« ETHICA Natura e Origine della Mente », Romeo Castellucci, T2G, Gennevilliers »

Article de Pierre-Alexandre Culo

Une action coup de poing pour « L’ETHICA » de Romeo Castellucci

Romeo Castellucci présente cette semaine au T2G la première action de son projet ETHICA dont la précédente version avait été présentée à Venise en 2013. Inspirée de la deuxième partie de L’Ethique de Spinoza, cette première performance laisse apparaître une réflexion poussée et audacieuse sur la perception des images théâtrales. De la création de l’image scénique à la réception hallucinatoire de l’esprit du spectateur, l’inépuisable problématique du Vrai et du Faux de la scène, Romeo Castellucci propose un objet insaisissable dans son propos mais qui vise de plein fouet une sensibilité déroutée.

castellucci_guido_mencari-1

© Guido Mencari

Oubliez le confort de la salle pour entrer dans un cube blanc immaculé, dans lequel le spectateur se déplace à sa guise et vous obtiendrez la scénographie de ce premier volet. Chaque spectateur entre par une fente, sculptée à l’image d’un corps féminin, afin de pénétrer dans l’espace de représentation. Au-dessus de nos têtes se tient, en chute ou en lévitation, une femme se retenant à une corde à la force de son index. La chute serait inévitable si elle ne conservait pas cette quiétude troublante. A ses pieds, dans la ligne de chute de cette corde aux airs d’arc inversé, se promène un imposant chien noir qui porte à son cou une enceinte dissimulée. Le chien parle ou miaule. Rassurant et intimidant.

La situation ne va pas plus loin. Elle se développe, s’étire, autour d’une conversation surréaliste, d’un onirisme brouillé et obscur, entre La Lumière personnifiée par cette femme suspendue, La Caméra aux airs de chiens et l’Esprit qui se déplace en une multitude de femmes derrière la silhouette découpée. Cette première action est à recevoir comme une réflexion en cours, un objet qui se questionne, pour ne pas se confronter à l’obscurantisme du texte. Une nouvelle fois, le théâtre de Castellucci saisit fortement par la virulence de ses images. Tout s’arrête de manière brutale et l’on sort de ce cube comme d’une expérience d’hypnose, entre conscience et absence. Le temps s’effrite et s’annule tout en étant pleinement présent.

castellucci_guido_mencari-3

© Guido Mencari

« L’image créée dans l’esprit de l’artiste atteint enfin l’esprit du spectateur, lequel la reçoit, bien sûr, mais en la recevant, lui donne forme. La performance a pour objectif de congeler cette pensée dans l’acte de recevoir l’image, non dans un but scientifique, mais pour consacrer la fusion entre la réception du spectateur et la création de l’image d’origine. »

Un action expérimentale à vivre et à ressentir afin de la comprendre s’il est question de cela. Une ouverture prometteuse sur un projet à suivre avec attention.

ETHICA Natura e Origine della Mente

Conception et direction Romeo Castellucci
Texte Claudia Castellucci
Traduit en français par Jean-Louis Provoyeur
Son Scott Gibbons
Avec Silvia Costa
Louise Arcangioli, Clémence Boucon, Moïra Dalant, Flora Gaudin,Olivia Lioret et Garance Silve, Stephane Coichot et le chien Elboy du Domaine de Flambeau
Avec la voix de Bernardo Bruno
Sculptures Istvan Zimmermann & Giovanna Amoroso
Direction technique Massimiliano Peyrone
Technicien du son Matteo Braglia
Du 7 au 13 mars 2016

 

Théâtre de Gennevilliers

http://www.theatre2gennevilliers.com