« Festival Teatro a Corte » 10ème édition – Turin – Italie Du 7 au 17 juillet 2016 dans les demeures royales du Piémont

Article de Paula Gomes

Une invitation au voyage : artistes européens et patrimoine à l’honneur

Le festival international « Teatro a Corte » est une manifestation incontournable de spectacles vivants contemporains (théâtre, danse, cirque, …) qui se tient dans les plus belles demeures de la famille de Savoie du Piémont. La dixième édition offre un programme riche et varié sur deux week-ends : 20 spectacles de 6 pays différents et 9 créations in situ, des propositions innovantes et étonnantes, des premières nationales et de nouveaux sites à découvrir. Beppe Navello, fondateur et directeur du festival, homme de théâtre émérite œuvre pour la valorisation des arts pluridisciplinaires et du patrimoine en facilitant l’accès à un plus large public. Avec sa Fondazione Teatro Piemonte Europe, il soutient le tourisme culturel local en proposant également des services et des visites guidées aux festivaliers. Une invitation au voyage et aux échanges à travers les performances éclectiques d’artistes talentueux et l’identité spécifique des lieux.

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© Domenico Conte

Ce deuxième week-end démarre en beauté avec deux spectacles du talentueux Étienne Saglio à Turin : Tout d’abord Fantôme, une création in-situ au Palazzo Lascaris, siège du conseil régional du Piémont où ce maître de la magie nouvelle fait surgir avec un simple voile des créatures aquatiques, surnaturelles par des mouvements sinueux ou rapides. Etonnements, émotions et un grand moment d’évasion qui se prolonge dans Les Limbes, un voyage entre deux mondes, dans l’au-delà où des fantômes protéiformes viennent envahir la scène du Théâtre Astra. Un homme en proie à ses démons suit un guide inquiétant dans un royaume extraordinaire, tel Dante descendant aux Enfers dans la Divine Comédie. Quête d’identité, combat pour la vie et peu à peu la disparition du monde organique. Un univers intemporel et évanescent où l’inanimé prend vie sous les manipulations et les illusions multiples. Des jeux de lumière fascinants accentués par la pénombre, des tableaux de toute beauté avec au bout du chemin un halo lumineux. Est-ce le paradis ? Certainement si l’on se laisse emporter par ce doux conte poétique et symbolique sous les airs du sublime Stabat Mater de Vivaldi. Magnifique !

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© Domenico Conte

Le château de Rivoli, propriété de la famille de Savoie, devenu en 1984 un musée reconnu d’Art Contemporain accueille tout naturellement deux performances des arts numériques et de la danse. La Cie française Adrien M & Claire B présente sa première nationale Hakanaï. Immersion de la danseuse dans un cube recouvert de tulle blanc pendant que la « partition numérique » se joue en direct (projections 3D et création sonore) dans la salle obscure. L’œuvre digitale réagit au contact de l’artiste japonaise Akiko Kajihara qui exécute une chorégraphie en forme de haïkus visuels, un véritable duo. Les images en noir et blanc se déforment en figures simples ou abstraites, dessinent des espaces insolites entre rêve et réalité. Le spectateur reste captif par cette aventure intemporelle et sensitive. Une prouesse technique rythmée par la synergie son-danse-image, la subtilité et la grâce d’Akiko Kajihara pour de belles envolées lyriques.

La 2ème performance au château de Rivoli : Under flat sky du chorégraphe écossais Billy Cowie, invité pour la 4ème fois au festival est aussi une première nationale. Un travail initié au Japon avec cinq danseuses et interprété ici par deux femmes avec lenteur et beaucoup de grâce, fondues dans les œuvres graphiques projetées de l’artiste allemande Silke Mansholt. Un texte japonais sous forme de haïku ponctue cette création : mélancolie, amour, à la force des sentiments s’oppose la puissance des éléments. La grande vague d’Hokusai vient à l’esprit à mesure que les peintures défilent. La fragilité de l’homme face à une nature souveraine, sentiment d’impermanence est l’une des caractéristiques de la sensibilité et de la mentalité des Japonais. La danse poétique et épurée s’harmonise avec la composition musicale de Billy Cowie, père de la danse 3D : femme-statue, corps en extension, mouvements très lents à la manière du butō. Ces deux cariatides semblent susurrer : « Je suis belleô mortelscomme un rêve de pierre » Charles Baudelaire. Beauté, lyrisme et intensité de l’univers imaginaire et romantique de Billy Cowie qui emporte le spectateur dans de doux songes.

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© Domenico Conte

L’excursion se poursuit vers Racconigi avec la découverte du Centre des cigognes de la Lipu, qui contribue depuis 1985 à la réintroduction des cigognes blanches. Une réserve naturelle où admirer à loisir ce bel oiseau et d’autres anatidés. Ses grands échassiers dominent aussi les toits du château Racconigi, construit au XIIème siècle, lieu de villégiature de la famille royale de Savoie. Dans le parc du château, deux spectacles audacieux portent un regard sur les femmes. Face à l’imposante façade de style baroque, A string section, un récital particulier donné par cinq femmes élégantes, vêtues de noir. Une scie à la main, elles s’installent sur leur siège et tout d’un coup s’attaquent à celui-ci en ripant, sciant ou fendant le bois. Dans les positions les plus improbables, ces artistes s’évertuent sur cet instrument insolite en essayant toujours de se maintenir en équilibre dessus. Quand l’une tombe, le groupe redonne la mesure et le concerto reprend. Qui cèdera en premier la femme ou  la chaise ? Et s’il s’agissait en définitif d’un ensemble sculptural. Endurance, précision, un zeste de folie et de l’humour dans cette performance cirque-danse de la Cie anglo-belge Reckless Sleepers, qui ne laisse personne indifférent. Stupéfaction, ennui ou engouement : les échanges vont bon train à l’issue de la représentation.

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© Domenico Conte

Puis le public prend place autour d’un terrain de foot pour un match d’un nouveau genre. La Partida oppose une équipe de cinq danseuses à cinq joueurs de foot. L’arbitre est le maître du jeu et porte la farce avec ses règles farfelues, soutenant tour à tour chaque équipe (danseur/macho) et affichant ses émotions. Dénonciation de la suprématie du football et de la position de la femme dans notre société. Pour contrecarrer cela, la solution est de prendre part au match. C’est la proposition de la chorégraphe espagnole Vero Cendoya dans cette performance, faire passer un message fort à travers le jeu. Les femmes usent de tous leurs atouts contre leurs adversaires virils et imposent leur rythme sur le terrain (allaitement, indisposition). Dynamique dans les déplacements en groupe ou en solo sans cesse renouvelés, les réactions des supporters survoltés et les nombreux effets de surprise. A mi-parcours, l’arbitre est travesti, les protagonistes reviennent en robes et vestes et le burlesque s’accentue. L’équipe féminine désavantagée essaie de trouver les parades (drôles, inattendues et fantaisistes) pour reprendre le dessus devant le spectateur amusé. Finalement l’entente entre l’homme et la femme se fait, et tout le monde est invité à la fête. Un travail ingénieux et créatif, une nouvelle énergie trouvée dans le jeu, un message d’espoir et de liberté.

La Reggia di Venaria Reale, la plus majestueuse demeure du Piémont accueille une création in-situ Promenade au château de la chorégraphe et danseuse Ambra Senatore. Cette commande du festival invite l’artiste à se confronter au lieu où elle puise ses inspirations. Les danseurs entrainent le spectateur dans une ballade où les scènes du quotidien sont revisitées, ironie et réflexion sur l’être humain, ses désirs et ses failles. Le visiteur porte un nouveau regard sur les œuvres et les espaces du château. Sous l’impulsion de Beppe Navello, un nouveau partenariat se met en place entre l’Italie et la France, des échanges artistiques dans les lieux historiques avec tout d’abord une nouvelle mise en espace d’Ambra Senatore au Château de Chambord les 17 et 18 septembre prochains, dans le cadre des Journées du Patrimoine.

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© Domenico Conte

Pour le grand final du festival Teatro a Corte, dans les jardins de la Venaria Reale, un superbe spectacle pyrotechnique A Fleur de Peau mis en scène par les Français du Groupe F, reconnu dans le monde pour leur talent et leur expertise dans les arts du feu. Une balade terrestre vers un univers magique et vertigineux qui enchantera petits et grands.

 

 

 

Festival Teatro a Corte 

Du 7 au 17 juillet 2016 à Turin et dans les demeures royales du Piémont

http://www.teatroacorte.it

 

FONDAZIONE TEATRO PIEMONTE EUROPA
Teatro di Rilevante Interesse Culturale
Sede legale : Via Rosolino Pilo 6, 10143 Torino
Sede organizzativa : Via Santa Teresa 23, 10121 Torino
tel +39 011 5119409 | fax +39 011 5184711
C.F. / P.I. 09585670012

http://fondazionetpe.it/


Box office
TEATRO ASTRA Via Rosolino Pilo 6, 10143 Torino
tel +39 011 5634352 | (mar-sab 16-19)

 

Pour plus d’informations sur les compagnies :

Fantôme / Etienne Saglio (France) – 13 juillet 2016 22h30 Palazzo Lascaris Turin

Les Limbes / Etienne Saglio (France) – 14 juillet 2016 21h Théâtre Astra Turin
www.ay-roop.com/compagnie/monstre(s)—etienne-saglio

Hakanaï / Cie Adrien M & Claire B (France) – 15 juillet 2016 19h Château de Rivoli

www.am-cb.net
Under Flat Sky / Billy Cowie  (Royaume-Uni) – 15 juillet 2016 19h50 Château de Rivoli

www.billycowie.com


A String Section/Reckless Sleepers (Royaume-Uni) – 16 juillet 2016 19h Parc Château Racconigi

www.reckless-sleepers.eu

 

La Partida / Vero Cendoya (Espagne) – 16 juillet 2016 20h Parc du Château de Racconigi

www.verocendoya.wix.com

 

Promenade au château / Ambra Senatore (Italie) – 8 >10 et 15> 17 juillet 2016 Venaria Reale
www.ccnnantes.fr

Les 17 et 18 septembre 2016 (Journées du Patrimoine) au Château de Chambord
À Fleur de peau / Groupe F (France) – 17 juillet 2016 22h30 Jardins de la Venaria Reale
www.groupef.com