« Hôtel Feydeau » d’après Georges Feydeau, mise en scène Georges Lavaudant, au Théâtre de l’Odéon.

Un Article de Julien Dumas.

 

Feydeau, Lavaudant : un duo de Georges et un concentré de rire

 

Bienvenue à l’hôtel Feydeau, un hôtel… drôlement particulier !

On y trouve d’abord John, le valet de chambre, qui veut saboter tous les potages des bourgeois de Paris à sept heure et demi, et puis Ventroux, qui voudrait que sa femme ne se promène pas nue à la fenêtre sous le nez de Clémenceau, il y a aussi Yvonne, qui désespère de voir son mari en Louis XIV rentrer du bal des Quatʼ Zʼarts au milieu de la nuit, Julie, qui doit purger bébé quand bébé ne veut pas, et pour finir Léonie, qui veut absolument que son mari porte sur la tête un pot de chambre qui n’a jamais servi !

© Thierry Depagne

Dans les cinq pièces choisies pour ce spectacles, le cycle “Du mariage au divorce” tel qu’il l’avait intitulé, Feydeau critique la bourgeoisie de son époque, et critique comme jamais le couple. Dans ces pièces écrites en un acte à la fin de sa carrière, Feydeau se moque en effet du mariage sans plus même avoir besoin de l’adultère dont il était pourtant si friand. Le couple est sujet à tracas, à cohu et aux mots plus hauts les uns que les autres. Ici on rit de ces déconvenues-là sans embarras. Piques après piques, les protagonistes s’affrontent dans des duels où le moindre sujet vire au drame, où la moindre lubie vire aux larmes. C’est toute la sagesse caustique du grand auteur qu’on retrouve là en concentré.

La réussite de la création de Georges Lavaudant, c’est le parfum qu’il compose ainsi en tirant toutes ces essences de Feydeau.  Car le théâtre de Feydeau, c’est une mécanique digne de l’horlogerie suisse, chaque geste y a son importance, chaque mot sa conséquence. On ne peut alors qu’admirer le montage opéré par le metteur en scène qui en déplaçant les rouages, en taillant dans la mécanique et en combinant les engrenages a réussi à faire de 5 pièces une création nouvelle qui tourne comme un coucou suisse, à la seconde près.

Pour rythmer cette frénésie sans perdre une miette du sens, on glisse dans cet hôtel d’une chambre à l’autre sur de la musique et dans des chorégraphies déjantées que l’on retrouve d’ailleurs en bouquet final, une explosion de toutes les ardeurs rencontrées jusqu’alors.

Des morceaux taillés dans les meilleures pièces cousus entre eux par des passages musicaux dansés, le résultat obtenu est une véritable rhapsodie appétissante comme une pièce montée. Une impression de pâtisserie alléchante renforcée par une scénographie épurée, le travail de Jean-Pierre Vergier, huit chaises pastels disposées régulièrement entre trois murs blancs immaculés : aussi simple qu’efficace, on voudrait croquer dedans.

© Thierry  Depagne

Dans un tel décor, les comédiens n’ont pas d’autre choix que de rendre hommage à Feydeau en jouant le comique avec le plus grand sérieux, au millimètre près. Ce que les huit comédiens ‒ pour 18 rôles, c’est fort ! ‒ accomplissent avec brio et avec un dynamisme échevelé à se tordre de rire. Feydeau, qui n’aimait pas les mauvais comédiens, aurait adoré ceux-là et les aurait sûrement loués à sa manière : « le public vous trouve très bien ».

À l’heure sérieuse de notre époque, cette pièce est un bonheur, celui de de rire, sans souci, du soucis des autres. Un auteur dont on ne fait plus l’éloge, un metteur en scène savant dans son métier, des comédiens survoltés, ils se sont tous mis en quatre pour nous plier en quatre. Cette pièce est à déguster tranche après tranche mais sans modération, comme un concentré de rigolade à se tenir les côtes.

 

 

Hôtel Feydeau

D’après Georges Feydeau : Feu la mère de madame, On purge bébé !, Léonie est en avance, Mais n’te promène donc pas toute nue !, Cent millions qui tombent   

Mise en scène, adaptation et lumière Georges Lavaudant

Interprété par Gilles Arbona, Astrid Bas, Lou Chauvain, Benoît Hamon, Manuel Le Lièvre, André Marcon, Grace Seri, Tatiana Spivakova

Dramaturgie Daniel Loayza

Décor et costumes Jean-Pierre Vergier

Son Jean-Louis Imbert

 

 

Durée: 1h30

 

Du 6 janvier au 12 février 2017

 

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006 Paris

www.theatre-odeon.eu