« J’ai couru comme dans un rêve », du collectif les Sans Cou, mise en scène Igor Mendjisky au Monfort.

Un article d’Ondine Bérenger.

 

Pour un théâtre de la vie 

 

Dans la même journée, Martin, trente ans, apprend qu’il est atteint d’une tumeur fulgurante au cerveau, qu’il n’a plus que quelques jours devant lui, et qu’il va être papa. Dans l’urgence des derniers instants, vivre est une nécessité. Mais que faire, quels rêves accomplir, quelles sont les choses les plus importantes, comment faire entrer une vie entière dans un temps si bref ? A travers ces questionnements existentiels et leur mode de représentation, c’est également la place et le rôle du théâtre qui se trouvent métaphoriquement interrogés par la compagnie : pourquoi avons-nous besoin de (faire du) théâtre ? Quel théâtre inventer aujourd’hui ?
© Anne Nordmann
Tout comme Martin confond le rêve et la réalité, ici, tout est mélangé : les faits et les hallucinations des personnages, les comédiens et leurs rôles, les lignes temporelles… En deux mots : le théâtre et la vie. Il semble que l’écho de l’un dans l’autre les rende indissociables. Ainsi, les scènes se succèdent de la manière la plus inattendue : la tragédie se mêle au comique, surgit un passage musical, une scène de vaudeville ou un extrait de répétition, toujours sur le fil tendu entre le texte et l’improvisation, dans un espace en constante mutation. La tristesse originelle de l’histoire est sans cesse métissée d’absurde et d’imprévisible, de sorte que le désespoir se change en souffle vital. De cette manière, nous n’avons jamais affaire à un pathos pénible – et qui serait trop facile au regard de la situation évoquée.
Comme ce fut le cas dans leurs créations suivantes, les Sans Cou parviennent à créer un spectacle sensible, qui inspire des émotions aussi variées et changeantes que la vie. Truffée de références diverses, alimentée de ruptures incessantes et d’une énergie sans cesse renouvelée, la représentation parvient à surprendre tout en réalisant une impressionnante montée en tension. Les acteurs sont tous saisissants dans leurs rôles sur-mesure, ce qui permet une grande homogénéité qualitative dans un spectacle intrinsèquement hétérogène. Félicitons particulièrement Paul Jeanson, qui incarne un Martin tout en nuances et plein de sensibilité, ainsi qu’Igor Mendjisky, qui nous immerge et nous guide à travers la représentation.
Ainsi c’est, une fois de plus, un véritable coup de cœur (à tous les sens possibles du terme) que ce travail vivant et foisonnant proposé par les Sans Cou. Et si l’on se surprend en larmes au moment des saluts, ce n’est pas pour se complaire dans une tragédie facile, mais bien au contraire, à cause de ce hurlement sublime d’espérance qui jaillit hors de l’inévitable désastre, et nous rassemble, scène et salle, emplis d’une force inébranlable de vie.

 

J’ai couru comme dans un rêve 
 

compagnie Les Sans cou

mise en scène Igor Mendjisky

avec Éléonore Joncquez ou Raphaèle Bouchard, Esther Van Den Driessche, Clément Aubert, Igor Mendjisky ou Romain Cottard, Paul Jeanson, Arnaud Pfeiffer, Frédéric Van Den Driessche

scénographie Claire Massard

chorégraphie Esther Van Den Driessche

lumières Thibault Joulié

costumes May Katrem

 

Du 24 janvier au 4 février 2017

 

Théâtre Le Monfort
106 rue Brancion
75015 Paris

http://www.lemonfort.fr