"JUSQUE DANS VOS BRAS" Une comédie qui aurait pu faire réfléchir

Avec leur dernier spectacle, Les Chiens de Navarre tentent d’explorer la question complexe de l’identité nationale, du « qu’est-ce qu’être français ? » La succession de saynètes de Jusque dans vos Bras enfonce peut-être des portes déjà entr’ouvertes. En effet, on a plutôt l’impression d’une constatation de l’état actuel des choses, des problèmes de discours existant dans la société contemporaine française, sans réelle interrogation ou prise de parti par rapport à ces mêmes questions. Les différents tableaux se succèdent en montrant différentes situations banales et quotidiennes, empreintes de racisme ou d’homophobie généralisée, « sans réelles mauvaises intentions ». Ce qui est dommage, c’est qu’on imagine très bien, avec un tel sujet et des constats aussi alarmants, et pas si éloignés de la réalité, la possibilité de déclencher une prise de conscience, une réelle réflexion chez le spectateur. Malheureusement Les Chiens de Navarre passent à côté. Le décalage des situations présentées, l’exagération de certaines leur enlève leur ancrage dans la réalité de notre état sociétal, et les rend absurdes aux yeux des spectateurs. Il n’y a pas de vraie prise de risque de confronter son public à ce qu’il est peut-être. Chacun reconnait son voisin, personne n’imaginera se reconnaître soi-même. Dommage donc, car l’humour et la finesse de la compagnie apparaît comme loin d’être le pire moyen à envisager pour diffuser ces pensées et ces luttes dans l’esprit d’une catégorie de la population.

Car l’humour est tout de même omniprésent et très bien géré. La pratique de l’improvisation et de l’écriture de plateau associée au fonctionnement de la compagnie se sent très fort. Elle donne aux différents interprètes un dynamisme et un rythme qui élimine quasiment tout temps mort. L’organisation du spectacle en enchaînement de sketches laisse la place à une dramaturgie différente toutes les dix ou quinze minutes. Le renouvellement permanent du plateau et des personnages, du groupe de quadras en pique-nique à la rencontre romantique entre Charles de Gaulle et la reine Marie-Antoinette, et l’énergie comique qu’ils amènent avec eux nous absorbe tout au long du spectacle. La dramaturgie générale est en effet très claire et écarte tout souci de distance ou de non-immersion que pourrait présenter le spectateur.

Finalement on passe un bon moment, on s’amuse en les suivant. On en ressort avec le sourire aux lèvres. Mais on aurait pu bien rigoler, et sortir en se disant qu’il fallait faire bouger les choses très vite…

©Loll Willems

Informations pratiques

Mise en scène
Jean-Christophe Meurisse

Avec
Caroline Binder, Céline Fuhrer, Matthias Jacquin, Charlotte Laemmel, Athaya Mokonzi, Cédric Moreau, Pascal Sangla, Alexandre Steiger, Brahim Takioullah, Maxence Tual, Adèle Zouane