« Kant » de Jon Fosse, mise en scène Emilie Anna Maillet au Théâtre Paris-Villette

Un article de Julie Lossec

 

Questions et illusions nocturnes 

 

Kristoffer est un petit garçon de 8 ans qui ne trouve pas le sommeil car il pense trop. Et ses pensées lui font peur… Le personnage de la pièce de Jon Fosse s’interroge sur l’univers et la notion d’infini, la présence d’un « Géant » omniscient qui pourrait se réveiller un jour, la frontière entre le rêve et la réalité… Mais qu’est-ce que la réalité ? Emilie Anna Maillet met en scène les questionnements existentiels de cet enfant tourmenté, dans un univers magique construit autour de la vidéo 3D et d’un dispositif holographique. Le résultat est bluffant. Le basculement perpétuel entre fiction et réel produit par ces technologies met en perspective les réflexions philosophiques contenues dans la pièce pour confronter le spectateur à ses propres doutes.

© Maxime Lethelier

En fond de scène, un écran représente le mur de la chambre de Kristoffer sur lequel des dessins s’animent. Puis, le ciel étoilé qu’on aperçoit par la fenêtre prend possession de la scène. Porté par ses questions, le petit garçon voyage et se retrouve au centre de la galaxie. Une nuée d’étoile envahit sa chambre, tandis que les doutes continuent de l’assaillir. Le comédien devient par moments un hologramme au milieu d’une chambre en 3D, dont le lit bouge tout seul et les jouets volent, mus par une force invisible. Les effets d’illusions, plus surprenants les uns que les autres, se succèdent pour le plus grand bonheur des jeunes spectateurs. Difficile parfois de savoir si Kristoffer rêve lui-même, ou s’il est pleinement réveillé. Seul son père, figure apaisante appartenant à sa réalité, parvient à le rassurer dans ce tourbillon d’incertitude : un jour, Kristoffer n’aura plus peur de penser, il pourra lire Kant et comprendre pourquoi il n’arrive pas à tout comprendre.

La mise en scène et la musique reproduisent l’atmosphère inquiétante qui envahit une chambre d’enfant une fois la nuit tombée. Le comédien seul en scène, simplement vêtu d’un pyjama orange, se glisse parfaitement dans la peau d’un enfant de 8 ans et parvient à transmettre tout au long de la pièce la détresse du petit garçon.

3 installations pédagogiques interactives prolongent très habilement cette réflexion. Le Labyrinthe cosmogonique fait découvrir de multiples cosmogonies à travers un parcours de QR code installé dans le théâtre. Le Rêve du Géant reproduit, à travers un dispositif holographique, Kristoffer qui invente sa propre cosmogonie. Enfin, l’installation individuelle au casque Occulus Rift, La Chambre de Kristoffer, fait vivre une expérience exceptionnelle et fascinante. Plongé dans une réalité virtuelle, le spectateur est transporté depuis la chambre d’enfant dont les jouets deviennent animés jusqu’aux confins de l’univers.

Ce spectacle et les dispositifs qui l’entourent offrent une initiation à la philosophie, un voyage dans l’univers qui captivera petits et grands.


 

Kant 

texte Jon Fosse 

traduction Terje Sinding, l’Arche éditeur 

conception et mise en scène Émilie Anna Maillet 

lumières Laurent Beucher 

vidéo Maxime Lethelier 

graphisme 3D Adrien Gentils, Joseph Sajous, Raphaël de Paris, Théo Rambur 

compositeur Dayan Korolic 

spatialisation son Jean-Francois Domingues 

assistantes mise en scène Léa Carton de Grammont, Clarisse Sellier 

construction Simon Maurice 

création 3D réalité virtuelle Guillaume Bertinet 

co-conception transmédia Judith Guez 

avec Régis Royer 

Production : Compagnie Ex Voto à la lune 

 

Du 15 a u 26 février 2017

 

Théâtre Paris-Villette
211 avenue Jean-Jaurès 
75019 Paris