« Las Ideas » de Federico León au Théâtre de La Bastille

Article de Léa Carabu

Las Ideas, « les idées », matière poreuse entre réalité et fiction

À la manière d’un rendez-vous intime mais informel, deux artistes argentins, Federico León et Julián Tello, nous invitent à leur table pour élaborer un projet artistique. Ce qui semble être une simple réunion entre les deux amis se transforme peu à peu en un tourbillon créatif où s’entrechoquent des idées et leurs concepts, des objets réels et leur représentation virtuelle. La frontière entre la réalité et la fiction devient poreuse, tout est alors matière à se questionner.

Une salle plongée dans le noir avec pour seul halo, une table de ping pong jonchée de papiers, de crayons, de verres, d’une bouteille de whisky, d’un ordinateur, d’une caméra qui enregistre en temps réel, d’un synthétiseur, de raquettes de tennis, autant d’éléments qui annoncent un rendez-vous très créatif. Les deux artistes apparaissent sans se presser, dans leurs shorts à fleurs, un rien désœuvrés. Ils s’installent autour de la table, se renvoient la balle et font naître les premières idées ; ils surfent sur la toile et commentent le travail d’autres artistes, brouillent les pistes avec la vidéo d’un « chien-mouton », un « lapin-loup », une « tortue-crabe » et interrogent notre perception de la réalité.
Qu’est-ce que je vois ? Qu’est-ce que je pense voir ? Est-ce le fruit de mon imagination ? Où se place la réalité ? Où commence la fiction ?
C’est un véritable « diablogue » qui nous plonge dans un univers qui rappelle l’oeuvre de Dubillard, Beckett ou encore Ionesco.

las_ideas_1_ignacio_lasparra© Ignacio Lasparra

Une bouteille de Whisky est consommée et soudain la question se pose ; faut-il réellement boire du whisky ou bien le remplacer par du thé ? Y a-t-il une différence pour le public ? Un brin transgressif, Julián Tello initie la même expérience avec un joint qu’il allume de façon nonchalante, répandant des volutes de fumée odorante dans la salle. Là encore, réalité ou fiction ? Cela peut paraître absurde et pourtant c’est tout simplement le chemin de la pensée créative d’un artiste en ébullition. On s’y perd avec plaisir, parfois avec appréhension, on cherche une connexion, un repère familier, un schéma, un sentier qui pourra nous ramener à la réalité. Une réalité sans cesse interrogée dans une mise en abyme où les artistes cherchent à saisir leur propre image déclinée à l’infinie ; « qu’est-ce que ça donne si je me filme entrain de regarder une vidéo de moi-même, elle-même filmée lors d’une précédente réunion, elle-même filmée lors de l’installation de l’atelier, elle-même filmée…etc. ? ». Les deux artistes sont à la fois eux-mêmes tout en jouant à être eux-mêmes.

las_ideas_2_ignacio_lasparra© Ignacio Lasparra

Le labyrinthe kafkaïen de Federico León est une expérience sans concessions. L’auteur et interprète se met en danger et fragilise notre relative perception de ce qui est vécu comme une réalité établie.
À l’image de ce ballon gigantesque qui explose à la fin de la pièce, le cerveau est remué, étiré, gonflé puis éclaté.
Une expérience à vivre, sans aucun doute.

Las Ideas
De Federico León
Avec Julián Tello, Federico León
Assistants mise en scène et production, Rodrigo Pérez, Rocio Gómez Cantero
Scénographie et accessoires, Ariel Vaccaro
Lumières, Alejandro Le Roux
Musique, Diego Vainer
Coordination technique, Matias Laccarino
Costumes, Paola Delgado
Photographies, Ignacio Lasparra
Graphisme, Alejandro Ros
Système de vidéo projection, Paula Coton, Agustin Genoud
Festival d’automne à Paris
du 7 au 16 octobre 2015

Théâtre de La Bastille
76 rue de la Roquette, 75011 Paris
http://www.theatre-bastille.com