« Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit », d’après le roman de Mark Haddon, adaptation de Simon Stephens, traduction Dominique Hollier, mise en scène Philippe Adrien

Article d’Ondine Bérenger

Qui a tué Wellington ?

Un matin dans la ville de Swindon, en Angleterre, Wellington, le chien de Madame Shears, est retrouvé mort, une fourche plantée dans le dos.

bizarre_incident_chien_pendant_nuit_2_antonia_bozzi© Antonia Bozzi

Le voisin, Christopher Boone, adolescent atteint du syndrome d’Asperger, décide alors de mener l’enquête afin que le coupable soit puni. En dépit des ordres de son père, le jeune surdoué en Maths à la logique implacable se lance alors dans un parcours initiatique, à la rencontre du monde qui l’entoure, mais aussi de lui-même, aventure qui l’emmène, ainsi que le spectateur, de surprise en surprise, jusqu’à un concours de mathématiques.

Mettre en scène un best-seller traitant d’un sujet aussi sensible que l’autisme est un choix périlleux, qui plus est lorsqu’on a l’ambition de ne pas tomber dans le pathos vis-à-vis du principal protagoniste.
Cependant, Pierre Lefebvre incarne ici le personnage de Christopher avec une sensibilité et une justesse déconcertantes : ne négligeant aucune mimique, il parvient toutefois à éviter le danger de sombrer dans la caricature. A ses côtés, Sébastien Bravard dans le rôle d’Ed, le père, nous offre un jeu délicat et nuancé, très authentique.

Le décor, deux murs et du gazon, est simple, moderne, et offre, grâce aux jeux des lumières une esthétique épurée idéale pour représenter les différents lieux de l’histoire. Dommage, cependant, qu’il faille attendre la deuxième partie de la pièce pour qu’il révèle enfin tout son potentiel ! En effet, le début est sobre voire assez statique, ce qui laisse apparaître quelques longueurs regrettables ; tandis que par la suite, le décor s’anime et entraîne le spectateur dans un captivant jeu de projections et d’éclairages qui donne alors pleinement vie à l’aventure du jeune Christopher à travers gares, trains et métros britanniques.

bizarre_incident_chien_pendant_nuit_1_antonia_bozzi© Antonia Bozzi

Autre point intéressant, l’usage omniprésent de la narration. Très bien intégrée au jeu, et étonnamment captivante, elle offre à la pièce une grande richesse d’interprétation, montrant à la fois la perception que Christopher a du monde, et celle qu’ont les gens « normaux », dénués de cet esprit minutieux et logique du personnage principal, mais possédant la capacité de saisir un langage métaphorique. De plus, cette utilisation de la narration permet également de mettre à jour un intéressant chevauchement des niveaux de récits, parfois paradoxal, entre l’histoire elle-même, le livre original qui la raconte, narré par Christopher, et leur re-présentation théâtrale.

Finalement, de cette pièce, on regrettera surtout le rôle de Siobhan, qui, plutôt qu’une maîtresse d’école, se retrouve ici changée en confidente un peu trop infantile et manquant de finesse, non par un défaut d’interprétation, mais par un parti pris de mise en scène. Tous les autres rôles sont interprétés avec humour et simplicité, et nous font vivre une expérience théâtrale très agréable.

Quoiqu’il en soit, on se laisse emporter par ce récit plus vite qu’on ne l’imagine, et, lorsqu’il s’achève, on se surprend à être véritablement touché, ému, même, car les personnages sont tous plus attachants qu’on ne le pensait, à commencer par Christopher, dont la différence nous offre un nouveau point de vue sur le monde qui nous entoure.

Le bizarre incident du chien pendant la nuit d’après le roman de Mark Haddon
adaptation Simon Stephens
mise en scène Philippe Adrien
texte français Dominique Hollier
avec
Pierre Lefebvre – Christopher
Juliette Poissonnier – Siobhan
Sébastien Bravard – Ed (le père de Christopher)
Nathalie Vairac – Judy (la mère de Christopher)
Bernadette Le Saché – Mme Alexander *
Mireille Roussel – Mme Shears *
Laurent Montel – Roger (M. Shears) *
Laurent Ménoret – Policier *
Tadié Tuéné – Révérend Peters *
* Ces artistes interprètent
également les personnages du chœur.
décor Jean Haas
lumières Pascal Sautelet
assisté de Maëlle Payonne
vidéo Olivier Roset
assisté de Michaël Bennoun
musique et son Stéphanie Gibert
assistée de Farid Laroussi
costumes Cidalia Da Costa
assistée de Anne Yarmola
maquillages Pauline Bry
chorégraphie Sophie Mayer
direction technique Martine Belloc
et Erwan Creff
collaboration artistique Clément Poirée
habillage Emilie Lechevallier et Françoise Ody

Du 11 septembre au 18 octobre 2015
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route Du Champ de Manoeuvre,
75012 Paris
http://www.la-tempete.fr/