« Le Demande d’emploi » de Michel Vinaver, mise en scène de René Loyon au Théâtre de l’Epée de Bois

Article de Bruno Deslot
Beaucoup de bruit pour rien

Fage, personnage principal de La Demande d’emploi, est un cadre supérieur au chômage. En perte de repères dans la sphère sociale et familiale, sa solitude est exacerbée par une trame narrative aussi surprenante que déroutante, la juxtaposition de voix disparates, celles de sa femme Louise, de sa fille Nathalie et de Wallace, le chasseur de têtes. Le sujet de la pièce est fortement ancré dans une actualité déconcertante, René Loyon a tenté d’en cerner les contours avec une proposition qui s’essouffle bien vite.

Dans la salle de bois du Théâtre, trois pans de mur blanc, découpés de manière asymétrique, offrent une magnifique perspective depuis les gradins, garantissant la promesse d’une scénographie mettant en résonance le texte de M.Vinaver. Une table et un divan à cour, quatre chaises et une table basse à jardin, l’ensemble est très épuré et laisse place, en apparence, à la parole juxtaposée des comédiens durant 1h40. Une lumière délicate et parfois indicible, permet un savoureux jeu d’ombres à partir des déplacements des comédiens sur le plateau, mais finalement, ces projections, que l’on croit pensées, ne sont que l’effet du hasard puisqu’elles ne répondent nullement à une véritable mise en abyme du texte, car ce jeu de lumière aurait pu, se faire, lui aussi, l’écho du principe de juxtaposition des répliques du texte de Vinaver.

Deux lieux topographiquement distincts mais finalement poreux pour n’en faire qu’un sont lisibles sur scène, mais le jeu des comédiens parasite un plateau saturé par une parole livrée à la hâte, bavarde et bruyante. Le respect d’une double temporalité, celle de l’entretien avec Wallace qui ne respecte aucune chronologie et celui de la vie quotidienne à la maison, dont on ne sait s’il se situe avant ou après l’entretien avec Wallace, a bien été compris par le metteur en scène, mais une mise en espace trop systématique, rompt toute forme de surprise et d’étonnement. La proposition se perd dans une rythmique trop syncopée et l’ensemble manque de fluidité pour atteindre la réalité d’une écriture dans laquelle des fragments de conversations s’entrechoquent. De fait, le texte ne nous parvient pas et l’on reste à la lisière d’une scène au chômage.
C’est certainement au fil des représentations que ce spectacle trouvera sa véritable identité scénique.

La Demande d’emploi
de Michel Vinaver
mise en scène René Loyon
dramaturgie Laurence Campet
décor Nicolas Sire
costumes Nathalie Martella
lumières Laurent Castaingt
avec Valentine Galey, Pierre-François Garel
Olivia Kryger, Julien Muller
Du 24 septembre au 18 octobre 2015

Théâtre de L’Epée de Bois
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
http://www.epeedebois.com/

Encore à découvrir