"LE FAVORI" Voyage théâtral à la Cour de Louis XIV

Si vous souhaitez vivre une expérience atypique et appréhender une pièce de théâtre telle qu’elle était donnée à l’époque de Louis XIV, alors n’hésitez plus et rendez-vous au théâtre de l’Epée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes, pour y découvrir la tragi-comédie Le Favori, mise en scène par Aurore Evain, jusqu’au 19 mai. Cette dernière, metteuse en scène mais également historienne du théâtre, s’est attachée à recréer, après un long travail de recherche, les conditions de jeu de l’époque : mise en scène, décors, costumes… Ainsi, le spectateur se retrouve totalement projeté dans l’atmosphère du XVII^ème siècle grâce au chaleureux accueil d’Arlequin et de ses complices féminines, sur des airs de musique baroque. Ces comédiens jouent avec le public et, dès le prologue, glissent de la farce à la présentation du mot « autrice ». Car, second point crucial de ce spectacle, Le Favori est une oeuvre de Madame de Villedieu, femme dramaturge, contemporaine du Roi Soleil. Si à l’époque, cette pièce fut présentée au Théâtre Français en 1665 par Molière lui-même, elle est restée dans l’ombre près de 350 ans avant qu’Aurore Evain ne choisisse de la remettre en lumière. La metteuse en scène-chercheuse mène un combat féministe certain, en dépoussiérant des oeuvres oubliées, car elles étaient le fruit d’autrices. Mais au-delà, c’est la mise en exergue d’une richesse culturelle délaissée et d’un matrimoine théâtral dont il serait fort regrettable de se priver, que la metteuse en scène opère. Le Favori en est d’ailleurs la juste preuve. Cette tragi-comédie est, certes un divertissement, mais également un précieux témoignage de notre histoire, car nul ne sera sans ignorer que c’est la destitution de Nicolas Fouquet qu’évoque Madame de Villedieu dans sa pièce.

Ici, l’action se déroule à Barcelone. On y découvre le jeune Moncade, Favori du Roi. Malgré sa position sociale très favorable et enviée par nombre de courtisans, ce dernier ne peut se satisfaire de son amitié avec le Roi, car cela l’empêche d’aimer librement la belle Lindamire. De révélations en destitutions, de manigances en confessions, l’histoire avance et prendra un cours inattendu…
Le jeu des acteurs – ou plutôt le sur-jeu de l’époque qui pourrait surprendre aujourd’hui – est entrecoupé d’intermèdes musicaux qui viennent éclairer l’intrigue, magnifiquement interprétés par la chanteuse Amal Allaoui. En revanche, à regretter parfois certaines baisses de rythme et des moments de jeu inégaux et maladroits, notamment avec le personnage du Roi. De même, la diction fragile des alexandrins chez certains comédiens empêche d’habituer son oreille et elle est malheureusement vite perceptible par rapport à d’autres personnages comme celui de La Coquette, parfaitement interprété par Anne Cosmao, qui révèle combien les manoeuvres de la Cour pouvaient être cruelles.
« Les anciens, monsieur, sont les anciens, et nous sommes les gens de maintenant » disait Molière dans Le Malade imaginaire et force est de constater qu’avec Aurore Evain et sa compagnie La Subversive, une nouvelle ère théâtrale s’ouvre, notamment avec son futur projet La Folle enchère, d’une certaine Madame Ulrich datant de 1690. Une expérience dramaturgique à découvrir prochainement !

Informations pratiques

Auteur(s)
Madame de Villedieu

Mise en scène
Aurore Evain

Avec
Matila Malliarakis, Anne Cosmao, Isabelle Gomez, Benjamin Haddad Zeitoun, Marion Casabianca, Julie Ménard, Marine Segalen

Chant et Musique (Les Mouvements de l’âme) Amal Allaoui (direction musicale et chant), Marie Langlet (théorbe), et en alternance Nicolas Desprez (clavecin), Daniela Maltrain (viole de gambe)
Chorégraphies Cyrielle Caron
Costumes Axel Boursier, Magali Segouin, Roxanne Marquant
Scénographie Delphine Brouard
Création Lumières Florian Gayrel
Régie Lumières Manuel Leroueil