« LE NÉCESSAIRE DÉSÉQUILIBRE DES CHOSES » Une traversée vertigineuse du sentiment amoureux

Le Nécessaire déséquilibre des choses de la Cie Les Anges au Plafond © Vincent Muteau

Des dizaines de fils rouges tombent du plafond du théâtre 71, à Malakoff. Certains sont les veines d’un cœur qu’il faudra soulager, tandis que d’autres retiennent un monstre qui hante les profondeurs de l’intestin. D’étranges figures, qui parlent ici par leur bouche et là-bas par celle d’un fantoche, se faufilent entre ces cordes qui sont peut-être les nœuds les plus intimes de l’inconscient.
Pour leur nouvelle création, les membres de la Compagnie Les Anges au Plafond ont décidé de pousser plus loin leur approche transversale et pluriartistique autour de la manipulation, se détachant même du papier, leur matériau de prédilection. Dans une fable questionnant le désir amoureux et le rapport à l’autre à partir des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, Brice Berthoud, metteur en scène fil-de-fériste, emmène plus que jamais ses camarades au bord du précipice. Deux scientifiques, joués par Camille Trouvé et Jonas Coutancier, se retrouvent propulsés à l’intérieur d’un corps humain, pour une mission bien précise : trouver et analyser la provenance du désir amoureux. Cette trame de science-fiction tisse un fil narratif dans une histoire construite en épisodes esthétiques distincts, et voit les deux chercheurs assumer de plus en plus une position de clown, préférant l’expérience de l’amour à sa dissection.

Le Nécessaire déséquilibre des choses voit se déployer sur scène une multitude de formes qui mêlent astucieusement la marionnette au masque, à des jeux de lumière et au cirque. Les marionnettes à taille humaine deviennent des voltigeurs portant la parole de manipulateurs-porteurs. Au travers de multiples procédés performatifs et effets de happenings, la scénographie elle-même devient un organisme vivant, par une destruction et une régénération constante qui s’accompagne d’un élargissement de la scène à la salle. Les marionnettistes s’émancipent par moment de la manipulation pour exister en tant que comédien, tout en restant toujours dans un jeu épique, où il s’agit moins d’incarner que de raconter, ou à l’inverse, disparaissent de la scène pour tracer des images qui semblent surgir des ombres. Cette recherche de rencontre entre les formes s’accompagne d’une philosophie de troupe. L’apport du cirque se voit également dans des numéros qui mettent en valeur la création à plusieurs, dans des figures collectives pleines de poésie. La constructrice de la troupe, Amélie Madeline, joue ainsi pour la première fois dans un spectacle de la compagnie, tandis que Marie Girardin, assistante à la mise en scène, manipule également les décors depuis l’ombre, et que le quatuor à cordes Supplément d’âme, qui accompagne toute la pièce, est totalement intégré à l’écriture dramaturgique. Tout en posant le problème de l’Autre, Les Anges au Plafond le révèlent également comme étant la solution.

Le Nécessaire déséquilibre des choses de la Cie Les Anges au Plafond © Vincent Muteau

Informations pratiques

Auteur(s)
Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux

Mise en scène
Brice Berthoud, Marie Girardin

Avec
Camille Trouvé, Jonas Coutancier, Amélie Madeline, Vincent Croguennec
Composition musicale Jean-Philippe Viret
Musiciens Jean-Philippe Viret (contrebasse), Mathias Lévy (violon),
Maëlle Desbrosses (alto), Bruno Ducret (violoncelle)
Dramaturgie Saskia Berthod
Scénographie Brice Berthoud, Adèle Romieu
Construction marionnettes Camille Trouvé, Jonas Coutancier, Amélie Madeline,
Séverine Thiébault, Caroline Dubuisson