« Les Molière de Vitez _ L’école des femmes », mise en scène Gwenaël Morin, Nanterre Amandiers

Article de Sébastien Scherr

Ni Molière, ni Vitez

Morin n’aime pas le théâtre. Il nous le fait savoir par la présentation de ce spectaculaire maelström indigeste ni fait ni à faire. De Vitez, on retrouve l’absence de décor et l’absence de costumes : un spectacle nu ou le visage et le corps des comédiens devraient être mis en exergue. L’absence de scénographie, l’absence de lumières (plein feu sur la salle et le plateau confondus en une immense scène), l’absence de direction d’acteur, l’absence de rythme ou de relief, l’absence de créativité ou de légèreté, de subtilité ou de poésie viennent parfaire ce grand n’importe quoi. Le texte est débité en italienne a une vitesse vertigineuse qui ne permet d’entendre ni la langue, ni les mots, à peine une succession de syllabes, et jamais de sens. Les acteurs gesticulent et parlent dans l’espace vide de l’immense salle sans jamais s’adresser les uns aux autres ou se répondre. Le texte est craché et rien ne se produit qu’un immense vertige et un ennui profond.

les_moliere_de_vitez_domjuan4_cpierre_grosbois_2© Pierre Grosbois

On est vite amené à lire ce qui nous passe sous la main, ce qui est permis par cet éclairage écrasant de la salle, ou à observer les autres spectateurs pour guetter qui va sortir en premier. Les adolescents papotent comme dans une salle de classe ou toute forme d’autorité a disparu. Et c’est tant mieux : cela met un peu de vie. Les professeurs de français qui ont cru bon d’emmener leur classe découvrir un classique doivent se mordre les doigts jusqu’au coude : quelle horreur de se dire que certains enfants ont eu ici peut-être leur première expérience de théâtre ! – ou du moins ce qu’il convient de qualifier comme tel puisque donné dans un prestigieux théâtre.

les_moliere_de_vitez_domjuan_1cpierre_grosbois_3© Pierre Grosbois

Le « théâtre permanent » défendu par Morin se targue de privilégier une distribution aléatoire des rôles parmi la jeune troupe. De sorte que ni l’âge, ni le sexe, ni l’emploi ne peuvent coïncider avec les personnages. Ce qui n’a pas d’importance, puisque aucune construction de personnage n’existe. Ce qui surprend de la part du fouteur en scène, c’est de n’avoir pas eu l’idée de redistribuer aussi les mots du texte aléatoirement. Ce qui aurait eu un résultat à peu près équivalent, mais avec une innovation supplémentaire pour permettre à cette d’œuvre d’obtenir la sacro-sainte appellation de performance d’art contemporain. Non, les seules innovations sont dans les blagues potaches d’un Arnolphe qui s’amuse à écorcher Molière pour faire des jeux de mots douteux comme « femme à bite » au lieu de « femme habile » en parlant d’Agnès, se prend un seau d’eau, se met cul nu pour aller à la selle ou va forniquer un siège au milieu des spectateurs tandis qu’Agnès porte difficilement son texte. C’est d’ailleurs la seule comédienne qui parvient miraculeusement à tirer son épingle du jeu : on entend le texte lorsqu’elle parle.

 

Les Molière de Vitez _ L’école des femmes
D’après Molière
Mise en scène Gwenaël Morin
Avec Mickaël Comte, Marion Couzinié, Lucas Delesvaux, Chloé Giraud, Pierre Laloge, Benoît Martin, Julien Michel, Maxime Roger, Judith Rutkowski et Thomas Tressy.

Du 5 au 30 janvier 2016

Nanterre -Amandiers
7, Avenue Pablo Picasso
92022 Nanterre
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