« Lola Lafon La petite communiste qui ne souriait jamais » lecture musicale par Lola Lafon au Théâtre de la Cité Internationale

Article de Marianne Guernet-Mouton

Quand les petites filles de l’Ouest ne reprirent plus de gratin

La petite communiste qui ne souriait jamais est un roman de Lola Lafon paru en 2014. D’origine franco-russo-polonaise, Lola Lafon a grandi entre Sofia, Bucarest et Paris, elle est l’auteure de quatre romans mais elle est aussi chanteuse, compositrice et féministe engagée dans de nombreux collectifs. La petite communiste dont parle Lola Lafon n’est autre que Nadia Comaneci qui en 1976 à Montréal, alors seulement âgée de 14 ans, est devenue la première gymnaste de tous les temps à avoir un 10/10 à une épreuve des Jeux Olympiques. Lola Lafon propose en ce moment au Théâtre de la Cité Internationale une lecture musicale de son roman, roman qu’elle ouvre à la scène et recentre autour de quelques passages soigneusement choisis.

lola_lafon_lynn_s_k© Lynn S.K

Seule entourée de deux musiciens, lorsque Lola Lafon commence sa lecture, elle se trouve sur une scène dépourvue de tout décor où seules les lumières créent un jeu d’ombres sur le mur du fond. Un exemplaire du roman est posé au sol tandis que la lectrice en tient un autre entre les mains, manifestement annoté et rempli de post-it signifiant une sélection de passages prêts à être lus. Alternant entre des moments de lecture et de chant, Lola Lafon, loin de proposer une lecture monocorde de son roman, incarne rapidement un genre de solo multiple avec beaucoup d’énergie. La lecture n’est pas statique et bien que l’espace eût pu être mieux investi, la musique sert la narration et les déplacements sont chorégraphiés, dynamiques, suivant agréablement le propos qui gagne ainsi en visibilité. En plus des passages lus, Lola Lafon reprend des chansons qu’elle accole au texte pour l’enrichir, que ce soit « Sweet dreams » de Eurythmics ou « La solitude » de Barbara, l’écho avec le texte est toujours existant.

lola_lafon_lynn_sk© Lynn S.K

C’est autour de deux axes que le roman est questionné : le corps de la jeune gymnaste à l’épreuve de la croissance, de ce que veut dire « devenir une femme », et la nostalgie du communisme. En effet, dans les années 80, personne n’a oublié le corps si mince et si pur de Nadia qui ne savait pas ce qui l’attendait, à tel point que la petite gymnaste devint un modèle de réussite pour les parents tout comme les petites filles de l’Ouest qui cessèrent de se resservir en gratin. Puis les années de compétitions internationales défilant, Nadia grandit, prend de la poitrine, son si beau juste au corps olympique la boudine diront les journalistes, car « les seins, les hanches, ça bouge et ça plombe tout ! ». Qu’importe la performance, le corps a changé, qu’adviendra-t-il quand elle ne gagnera plus ? Pense-t-elle au mariage ? Surtout dans un pays où tout ce qui n’est pas lisse et blanc est vu comme un reproche. Dans un pays où la dictature interdit d’écrire « Il frissonna car il avait froid » parce qu’on n’y frissonne pas à cause du froid, un pays où les rues changent au gré de la censure laissant place à l’égarement. Un pays auquel Nadia doit pourtant tout, jamais une telle carrière n’eût été possible pour cette petite fille pauvre dans « un pays esclave du FMI », dans un pays où l’on « donnerait tout pour un Mc Do ». Nadia, cette petite communiste qui ne souriait jamais, a décrassé l’avenir d’un pays dans lequel, tout le monde veut l’oublier : « On n’avait pas de farine oui c’est vrai. (…) Mais on a existé, on a même ri, aimé. »
Lola Lafon, par cette adaptation qui ouvre son roman à la scène, incite le spectateur à se poser des questions liées à ses propres préoccupations. Par cette lecture musicale elle recentre son propos sur certaines questions, certains passages qui gagnent à être lus et si quelquefois l’adaptation semble inachevée, elle n’en est pas moins touchante.

 

Lola Lafon, La petite communiste qui ne souriait jamais
d’après le roman de Lola Lafon
Chant, lecture, Lola Lafon
Guitares, machines, Olivier Lambert
Basses, guitare, Julien Rieu de Pey
Régie, ingénieur du son, Raphaël Allain
Lumière, Camille Pozé
Avec les conseils de Sonia Bester (Madamelune) pour la scénographie et de Nathalie Pubellier pour la chorégraphie

Du 3 au 18 décembre 2015

Théâtre de la Cité Internationale
17, bd. Jourdan
75014 Paris
www.theatredelacite.com