« Maladie de la jeunesse » de Ferdinand Bruckner, mise en scène de Philippe Baronnet au Théâtre de la Tempête

Article de Paula Gomes

L’essence de la jeunesse

Sept jeunes étudiants discutent dans une chambre. Ils revêtent une blouse blanche avec sur leur dos inscrit une maladie que chacun doit deviner. Le public est entraîné dans ce jeu avec ses limites et le quotidien de ces futurs médecins qui prêtent en chœur le serment d’Hippocrate. Marie s’apprête à fêter son doctorat et à passer à l’âge adulte. De l’intimité de la chambre de Marie au décor dépouillé, dans une pension autrichienne après la Première Guerre mondiale, la vie se déroule à toute allure. Marie est amoureuse de Petrell, qui aime Irène… Désirée convoite Marie après avoir délaissé Freder qui entraîne la bonne, Lucy sur un terrain glissant. Avec leurs idéaux, les personnages expérimentent la vie et se façonnent : désirs, affrontements violents, compromis, désillusions. Sans badinage, les dialogues sont forts, pleins d’esprit et les situations parfois déconcertantes.

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© Olivier Allard

Philippe Baronnet nous propose un regard sur la jeunesse des années folles qui se débat et peine à trouver ses repères dans un contexte social, économique et politique chaotique. Près d’un siècle plus tard, ce désarroi fait encore écho. L’époque apparaît par touches dans le décor : gramophone, chanson, musique, meubles et tenues de soirée. La violence omniprésente est distillée savamment à travers les comédiens qui doivent trouver les ressorts entre joutes verbales, sentiments exacerbés, confrontations physiques et lâcher prise. Humour, légèreté et distanciation sont là pour accentuer la tension dramatique. Le travail des corps et le naturel qui se dégage des comédiens sont remarquables.

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© Olivier Allard

Marion Trémontels est sublime dans le rôle de Marie. Elle explore toute l’intensité de son personnage : idéaliste, amoureuse, elle devient colérique et désespérée. Clovis Fouin incarne brillamment Freder, l’éternel étudiant, désoeuvré et cynique. Il souligne les tensions et les failles des personnages par ses interventions. Lucy est fragile et attachante sous les traits lumineux de Louise Grinberg. Le jeu des comédiens est extrêmement puissant et juste. Le spectateur est conquis par cette jeunesse fougueuse. On regrette simplement quelques longueurs.

Cette œuvre de jeunesse de Ferdinand Bruckner parue en 1926 nous montre son talent de dramaturge et sa modernité par son écriture précise, directe et ses sujets terriblement d’actualité sur les jeunes générations en souffrance.

 

Maladie de la jeunesse de Ferdinand Bruckner
Traduction Henry Christophe, Alexandre Plank
Mise en scène Philippe Baronnet
Avec Clémentine Allain Désirée
Thomas Fitterer Alt
Clovis Fouin Freder
Louise Grinberg Lucy
Félix Kysyl Petrell
Aure Rodenbour Irène
Marion Trémontels Marie
Scénographie Estelle Gautier
Lumières Lucas Delachaux
Son Julien Lafosse
Regards et collaboration Jérôme Broggini, Nine de Montal
Construction décor Les ateliers du Préau

Du 15 Janvier au 14 Février 2016

Théâtre de la Tempête
La Cartoucherie
Route du Champ de manœuvre
75012 Paris
http://www.la-tempete.fr/