« Le Quatrième mur », d’après un roman de Sorj Chalandon, adaptation et mise en scène de Julien Bouffier, au Théâtre du Tarmac.

Un article de Thibault David
 
Hello darkness my old friend
 
En 2013, Sorj Chalandon publie son sixième roman, Le quatrième mur. Fiction à l’arrière-goût autobiographique, il trace l’utopie terrible de Georges, parti au Liban pour monter Antigone de Jean Anouilh en pleine guerre civile. Par sa vision de l’utilité du théâtre, sa résonance actuelle, les questionnements posés dans cette épopée, il est évident que Le quatrième mur est un texte qui mérite d’être dit sur scène, malgré sa complexité. C’est toute cette problématique que Julien Bouffier va explorer dans cette adaptation – adaptation réussie, mais pas sans défauts.
© Marc Ginot

Car des défauts, il y en a, et c’est presque rassurant. L’adaptation d’une œuvre sur un nouveau support est toujours un pari risqué : et amener ce roman (se déroulant en France, à Beyrouth, avec une foule de personnages) sur scène est d’une complexité infâme.

336 pages de roman, condensée dans une pièce de 1h30 : les coupes sont sévères, et le spectateur n’ayant aucune connaissance du texte (ou de la situation géopolitique incroyablement compliquée du Liban des années 80) risque de passer à côté des nombreuses subtilités du
propos.  
Néanmoins, l’histoire se tient : une fois les enjeux posés et la narratrice (Vanessa Liautey, dont la voix est un petit bijou) arrivée au Liban, on est happés par la tragédie qui emprunte à tous les arts pour dévoiler l’horreur de la guerre
et de ses acteurs – acteurs qui tiennent leur partition avec une justesse et une simplicité très agréable à voir.
Il faudrait d’ailleurs, pour rendre hommage à ce 
Quatrième mur, rajouter trois personnages au générique – s’ils ne sont pas acteurs au sens physique du terme, leur présence est indispensable.
La scénographie, énormément visuelle. Elle fait partie intégrante du processus artistique, par l’utilisation de deux écrans projetant de nombreux films. Le plus petit, au fond, nous offrant des scènes intimistes, et le plus grand faisant littéralement office de quatrième mur : translucide, il permet l’apparition du Liban et de ses acteurs sans cacher du regard la narratrice ; elle se retrouve, malgré elle, au centre de tout sans pouvoir agir sur rien. Une vraie belle trouvaille, qui se renouvelle tout au long de la pièce.
Ces bulles ont toutes en commun le Liban, qu’on retrouve par l’accent des comédiens ou les prises de vues tournées par l’équipe durant leur travail. Une véritable immersion dans le pays qui donne à voir certains des lieux emblématiques du roman.
© Marc Ginot
La musique aura le dernier mot ici ; car l’univers sonore omniprésent créé par Alex Jacob est un vrai plus. Avec une guitare, sa voix, et une reprise de The Sound of Silence (en trois langues, s’il vous plait !), le spectacle en devient un ovni – ni absolument théâtre, ni tout à fait cinéma, ni concert non plus, les trois à la fois, soyons fous.
Reste l’image de fin, bouleversante, et ces mots qu’on a entendus plus tôt auxquels on repense :

« And the vision that 
was planted in my brain
Still remains
Within the sound of silence ».

Le quatrième mur
À partir du roman de Sorj Chalandon (Éditions Grasset)
Adaptation, mise en scène Julien Bouffier
Scénographie Emmanuelle Debeusscher, Julien Bouffier
Création vidéo Laurent Rojol
Interprètes Diamand Abou Abboud, Nina Bouffier, Alex Jacob, Vanessa Liautey
À l’image Raymond Hosni, Yara Bou Nassar, Joyce Abou Jaoude, Mhamad Hjeij, Elie Youssef, Joseph Zeitouny
Voix Stéphane Schoukroun
Création musicale Alex Jacob
Création lumière Christophe Mazet
Travail sur le corps Léonardo Montecchia
Ingénieur son Eric Guennou
Photos Marc Ginot
Régie générale Christophe Mazet
Régie plateau Louis Guerry
Administration-production Nathalie Carcenac
Diffusion Claire Fournié
 
Du 1er au 4 mars 2017
Durée : 1h30
 
Le Tarmac
159 Avenue Gambetta, 75020 Paris
http://www.letarmac.fr/