« LE SONGE D’UNE FEMME DE MENAGE »  Une servante incarnée pour faire vivre les fantômes 

Telmah est femme de ménage dans un théâtre. En nettoyant la salle laissée en désordre par les comédiens, voilà qu’elle se surprend, au détour de quelques accessoires, à incarner la Médée de Corneille, ou les personnages de Shakespeare. Le lieu devient tour à tour son cabaret, son espace de sommeil ou de réflexion, son antre de l’imaginaire… Telmah est actrice.

Disons-le tout de suite : Aurélie Imbert est une artiste en tout point exceptionnelle. Trilingue, elle glisse d’une langue à l’autre de la même manière qu’elle change de rôle face à un accessoire : avec une aisance déconcertante, sans l’ombre d’un accroc. Tout est fluide, maîtrisé. Dans l’apparent naturel de son exercice, elle n’hésite pas à prendre à parti les spectateurs : elle ne parle pas à une salle, elle parle à chacun, individuellement, le regard toujours vif et planté dans un autre. Elle nous dupe, aussi (brillamment), parfois, nous perd entre la fiction et la réalité, semble frôler les bords de la folie. Chante, rit, pleure, se met en colère en une demi-seconde. Qui nous parle ? La femme de ménage Telmah, la comédienne Aurélie, les personnages de Shakespeare eux-mêmes ? On ne sait plus, et finalement, c’est tant mieux : la magie opère jusqu’à brouiller les frontières du réel.

Les extraits de textes, eux aussi, sont tissés avec une telle agilité que s’ils n’étaient pas si célèbres, on ne les croirait pas tirés d’oeuvres diverses. Un mot en appelle un autre, toujours, d’Hélène à Hamlet en passant par Richard III ou Prospero. Un pot de Nutella ? On voit surgir Othello. Chaque accessoire banal devient un monstre d’ingéniosité évocatrice. Mais ce n’est pas tout : la jeune femme est également autrice, et d’un texte à l’autre, fait surgir des variations philosophiques sur la vie, la mort et l’essence du théâtre, dans un style littéraire qui ne trahit ni n’écorche pas celui de Shakespeare, auquel il s’entremêle. Etre, ou (ne) pa-r-aître ? Assurément, quelque chose dans cette représentation est.

Semblable à ces lampes qu’on laisse allumées dans la nuit des théâtres, et que l’on nomme « servantes », pour guider les fantômes, Aurélie-Telmah fait vivre à travers elle ces âmes fictives de personnages. Il ne faut pas manquer ce songe d’été avignonnais.

 

Informations pratiques

Auteur(s)
Aurélie Imbert, d’après Shakespeare et Corneille

Mise en scène
Aurélie Imbert

Avec
Aurélie Imbert

Dates
Du 7 au 30 juillet 2017

Durée
1h

Adresse
aux Ateliers d’Amphoux,
10 rue Amphoux, 84000 Avignon

www.theatre-amphoux-avignon.com