« Soudain l’été dernier » de Tennessee Williams, mise en scène Stéphane Braunschweig, Théâtre de l’Odéon

Article de Marianne Guernet-Mouton

 

Sombres tropiques 

 

Au Théâtre de l’Odéon, Stéphane Braunschweig en tant que directeur des lieux signe une première mise en scène qui était très attendue, avec Soudain l’été dernier de Tennessee Williams, il comble les espérances là où on ne l’attendait pas.

© Elizabeth Carecchio

Dans un décor monumental, une jungle luxuriante de la Nouvelle-Orléans, prend place une intrigue bien sombre qui nous fait rapidement comprendre que l’ambiance de cette forêt verdoyante va être aussi suffocante que l’état d’esprit des personnages. Cette pièce de l’américain Tennessee Williams qui a été adaptée au cinéma en 1959 par Joseph Mankiewicz, parle de Mrs Venable, incroyablement jouée par Luce Mouchel, se remémorant ses derniers moments avec son fils Sébastien, mort l’été dernier en Europe, entourée de sa nièce qu’elle accuse de démence en même temps qu’elle la rend responsable de la disparition de son poète de fils qu’elle aimait tant – peut-être trop.

Rapidement, le décor qui nous enchantait presque au lever de rideau nous étouffe dans cette longue entrevue familiale à laquelle Mrs Venable a convié le docteur Coukrowicz le priant de lobotomiser sa nièce Catherine, ce qu’il n’accepte pas sans la sonder. Dans cette pièce où tout se craquèle et où la folie s’installe au point que le décor finit encerclé par une structure capitonnée d’hôpital psychiatrique, la mère de Sébastien dresse un portrait idéalisé de son fils dont elle refuse la mort. Sa nièce, admirablement portée par une Marie Rémond pleine de fragilité, qui était là, à Casa de Lobo, se retrouve au cœur de cet enfermement et nous fait plonger avec elle. À mesure que le temps avance, Stéphane Braunschweig fait se figer ses acteurs, ils sont alors comme englués dans la folie et dans les visions étranges de Catherine qui conte la mort de son cousin sur qui elle avait une influence aussi mesurable que celle de sa mère. Sans que l’on ait vraiment de réponses à cette mort, on explore les visions et sentiments des personnages et c’est à nous qu’il incombe de reconstituer le puzzle morbide.

Enfin, grâce au jeu des acteurs et à l’atmosphère recréée par le metteur en scène, on vit ce spectacle comme on lirait un thriller psychologique. On est comme pendu aux mots de chacun pour en savoir plus et toujours, sombrer un peu avec les personnages tant la réalité qu’on nous donne à voir nous est étrangère et secrète, et tant l’humain est fasciné par l’immersion dans les abimes de l’Autre.


 

Soudain l’été dernier 

 

De Tennessee Williams,

Mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig 

Avec Jean-Baptiste Anoumon, Océane Cairaty, Virginie Colemyn, Boutaïna El Fekkak, Glenn Marausse, Luce Mouchel, Marie Rémond 

 

Du 10 mars au 14 avril 2017 

 

Odéon Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon
75006 Paris

 

http://www.theatre-odeon.eu/fr/