« Soulèvement(s) » création collective, texte de Marcel Bozonnet à la Maison des Métallos

Article de Bruno Deslot

Une création en quête d’identité

La faim, la misère, l’oppression, l’inégalité etc…entraînent parfois un peuple à se soulever, à manifester son refus d’être inféodé à un système politique qu’il réfute. Dès lors, l’opposition est manifeste, fougueuse et enthousiaste, lorsque la foule s’organise en une cohorte solidaire ayant pour objectif de faire changer les choses. Avec l’aide de Sophie Wahnich, agrégée, docteur en histoire et directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la période révolutionnaire, Marcel Bozonnet s’est interrogé à propos de « pourquoi, quand et comment un peuple se soulève-t-il ? ».

Les ouvrages de Sophie Wahnich comme Histoire « d’un trésor perdu », la transmission de l’événement révolutionnaire (1792-2012) ont permis à Marcel Bozonnet d’interroger le passé afin de mener une réflexion kaléidoscopique sur le présent de l’impulsion révolutionnaire dont les soulèvements récents des pays arabes mettent en exergue.

soulevement_pascal_gely_1© Pascal Gely

Un demi-cercle de poussière dessine l’aire de jeu à l’intérieur de laquelle un abri, construit par des néons suspendus et au fond duquel un panneau représente une partie du monde esquissée, permet aux comédiens d’investir l’espace pour livrer une parole choisie. Un marquage au sol, prolonge la représentation du panneau afin de montrer, certainement, que l’impulsion révolutionnaire peut faire tâche d’huile à tout moment. Trois monticules de sable blanc, à cour, incarnent le temps qui passe et les ravages qu’il faudra bientôt ensevelir, comme s’y emploient Marcel Bozonnet et l’homme-tambour à l’aide de leur pelle. Le bruit des tambourins, les coups de bâton retentissants sur des jerricans, orchestrent le bruit sourd du pas décidé des révolutionnaires. La prise de parole des comédiens, relaye cette impulsion qui s’annonce dévastatrice.
Des séquences historiques, rendant compte du « soulèvement » permettent ainsi de faire exister des anonymes vivant dans l’ombre de leur oppresseur. Par un montage de textes et une interprétation collective, les trois comédiens (Marcel Bozonnet, Valérie Dréville et Richard Dubelski) explorent les couloirs du passé en évoquant l’insurrection de Saint-Domingue de 1791, les émeutes du sucre à Paris de janvier 1792 et la manifestation qui conduit le peuple à Paris à l’Assemblée nationale le 20 juin 1792 tout en essayant de croiser ces évènements avec les émeutes récentes qui ont eu lieu en Tunisie, Syrie et Égypte. Le mot d’ordre : faire entendre des revendications pour l’égalité des hommes, le droit de subsistances, la souveraineté du peuple et la résistance à l’oppression.

soulevement_pascal_gely© Pascal Gely

Le message est clair mais peu perceptible sur scène car le montage de textes ne fonctionne pas. On a davantage le sentiment d’entendre la lecture de quelques pages d’un ouvrage de Malet-Isaac, plutôt qu’une adaptation théâtrale de faits historiques faisant écho à une actualité brûlante. Le jeu des comédiens n’aide en rien ce manque à gagner. Les corps se meuvent dans l’espace avec une extrême difficulté et discréditent toutes formes de tensions palpables en rapport avec un quelconque soulèvement du peuple. Rien ne fait sens malgré cette volonté de présenter la fable par cette participation collective et malgré la qualité des textes choisis, Bossuet, Victor Hugo, Mirabeau, Césaire, Robespierre…le spectacle présente une forme trop didactique, voire démagogique.
La liberté des hommes ne relève pas seulement de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, car comme tout le monde le sait, ce texte « fondateur » a été rédigé au lendemain de la Révolution française, dans un contexte bien précis. L’invoquer encore aujourd’hui comme une référence intemporelle et universelle est un anachronisme même si sa valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil constitutionnel français en 1971. Dans les faits, la réalité est autre !

L’interprétation convaincue et poignante de Valérie Dréville, sauve une création en quête d’identité dramatique.

Soulèvement(s)
Création collective
avec Valérie Dréville, Marcel Bozonnet, Richard Dubelski
texte Marcel Bozonnet et Judith Ertel
avec la collaboration de Sophie Wahnich
musique originale Richard Dubelski
chorégraphie Marie Orts
scénographie et costumes Renato Bianchi
création lumière Nicolas Barraud
dramaturgie Judith Ertel
assistante à la mise en scène Julie Guichard
du 9 au 25 octobre 2015

Maisons des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
http://www.maisondesmetallos.org/