« Super Premium Soft Double Vanilla Rich », texte et mise en scène de Toshiki Okada à la Maison de la culture du japon

Article d’Ondine Bérenger

La danse de la consommation

Deux toiles imprimées de réfrigérateurs remplis, un sol blanc décoré de rectangles noirs bien arrangés, tels des rayons imaginaires, le tout éclairé par une lumière blafarde et quelques néons, et nous voilà transportés dans un lieu incontournable de la vie quotidienne des citadins japonais : le conbini, petit super-marché ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dont la lumière pâle éclaire les rues même dans la nuit, véritable image de la société de consommation japonaise.

Vanilla_christian_kleiner_3© Christian Kleiner

Dans cet espace restreint, Toshiki Okada fait se rencontrer employés, clients, gérant et responsable commercial, qui nous donnent à voir un univers superficiel, noyé dans son obsession de la rentabilité et des nouveaux produits. Au son du Clavecin bien tempéré de Bach arrangé en musique de supermarché, doublé par la sonorité mélodieuse de la langue japonaise, se met alors en place une étrange chorégraphie, une mise en mouvement des corps déconcertante, quelque part entre le mécanique inhumain, l’exagéré, le loufoque et, peut-être, aussi, parfois, une sorte de naturel indéfinissable.
On sent très clairement, à travers ce spectacle, les différences qui existent entre le Japon et la France, dans les codes et la conception même de l’art dramatique. Ainsi, c’est une expérience surprenante, mais étonnamment séduisante, et qu’on ne peut juger selon nos standards occidentaux. Les personnages, au caractère linéaire et caricatural qui souvent prête à rire, mettent en valeur l’absurdité d’une société presque inhumaine, en dressant son portrait terriblement cynique et désespéré sous des airs de comique décalé.

Vanilla_christian_kleiner_2© Christian Kleiner

Pas un accroc dans le jeu des comédiens, qui réalisent leur chorégraphie et déclament leur texte avec une fluidité impeccable. Qu’il s’agisse de vendeurs cyniques, de l’employée trop gentille, de la cliente obsédée par une glace à la vanille, ou encore du passant moqueur qui brise les codes d’une politesse de surface excessivement hypocrite par ses critiques sans concession, toutes les étranges figures de cette pièce sont, d’une certaine façon, attachantes et touchantes dans ce qu’elles ont de perdu et de désespéré.
Toshiki Okada parvient à créer un texte à la fois inattendu, franc, avec des personnages honnêtes qui lèvent impudemment tous les non-dits de la société japonaise, que l’on sait toujours diplomate, tout en exploitant, dénonçant et exhibant cette même diplomatie des apparences, et ce langage trompeur.
Très loin de notre théâtre occidental traditionnel, cette pièce nous propose une expérience dépaysante de découverte culturelle et artistique. Déstabilisante perte de repères, que l’on peut apprécier ou détester sans doute, mais qui reste, dans tous les cas, intéressante à tenter pour le spectateur faisant preuve de curiosité.

Super Premium Soft Double Vanilla Rich
texte et mise en scène de Toshiki Okada
avec Tomomitsu Adachi, Shuhei Fuchino, Azusa Kamimura, Mariko Kawasaki, Shingo Ota, Hideaki Washio, Makoto Yazawa
Scénographie Takuya Aoki
Costumes Sae Onodera (Tokyo Isho)
Régisseur général Koro Suzuki
Son Norimasa Ushikawa
Lumière Tomomi Ohira
Arrangement musical Takaki Sudo

du 18 au 21 septembre

Maison de la culture du japon
101 bis quai Branly
75015 Paris
www.mcjp.fr