« TANIZAKI »  Théâtre Nô version érotico-poétique De Warme Winkel 

Le collectif néerlandais De Warme Winkel nous plonge au cœur de la culture japonaise. Ward Weemhoff en guide loufoque mène le public vers une scène au décor minimaliste. Le comédien s’essaie à la manipulation de baguettes et livre bon nombre de pitreries tandis que Vincent Rietveld se maquille le visage en blanc. Mara van Vlijmen présente leur projet artistique, Junichiro Tanizaki l’auteur japonais qui les a inspiré et son ouvrage L’Éloge de l’ombre, méditation sur l’esthétique orientale. L’art de ne pas tout montrer agit comme un révélateur dans l’Orient traditionnel alors que l’Occident moderne recherche le progrès, la lumière (électrique) supprime les contrastes, tout se voit en transparence, sans secret. A l’image des corps que les comédiens exhibent, provocateurs et libres en apostrophant les spectateurs. L’introduction remet chacun à sa place pour explorer cette œuvre littéraire du 19ème siècle. Entre réalité et fiction, deux mondes opposés vus lanterne à la main ou en pleins phares, saurez-vous en apprécier la beauté et l’étendue de l’art ? Une performance d’une poésie irrésistible qui mélange les genres avec de nombreuses surprises et un humour décapant.

Créée en 2015, cette proposition audacieuse est basée sur le roman sulfureux de Tanizaki La Clef. La lecture du double journal intime d’un vieillard dont le désir s’étiole et de sa jeune épouse insatisfaite, s’égraine dans une demi-obscurité, via un rétroprojecteur mécanisé. L’intérieur japonisant est composé de tapis, tatami avec au fond une cloison symbolisant une porte en papier de riz, derrière laquelle se dessinent les silhouettes en ombres chinoises. Jetse Batelaan fait apparaître les comédiens en tension, perruques, maquillages, costumes traditionnels soyeux, ils vont à petits pas, presque sans mouvement. À la manière du théâtre Nô, cette version érotique et poétique est rythmée par le jeu de koto de Makiko Goto, en avant-scène. La dramaturgie est portée par ces personnages solitaires, leurs frustrations, les silences et les faux-semblants. Peu à peu, ils se libèrent par leurs confessions qu’ils lisent un livre ou un portable à la main et par là même attisent le désir. Les comédiens se prêtent au jeu en confiant leur propre journal, les tensions qu’ils ont ressenti durant le travail collectif de création. L’univers si maîtrisé prend une nouvelle respiration : actions, espace éclaté, son et lumières intenses et costumes aux couleurs vives. Une interprétation énergique, des zones d’ombre apprivoisées, le collectif construit une passerelle temporelle artistique qui laisse une grande place à l’imaginaire et bouscule notre vision de spectateur.

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© Sofie Knijff

Ce spectacle ouvre la 8ème édition de Chantiers d’Europe, un festival dirigé par Emmanuel Demarcy-Mota qui met à l’honneur les artistes et les compagnies de pays voisins. Cette année, le Portugal, les Pays-Bas, l’Espagne, la Croatie, le Royaume-Uni et la Grèce sont invités avec une trentaine de spectacles jusqu’au 24 mai. Deux expositions au Théâtre de la Ville-Espace Cardin : Révolution et Démocratie porte un regard sur la Révolution des Oeillets du 25 avril 1974 au Portugal qui mit fin à la plus longue dictature d’Europe, Le Dôme – Migration 2 de la Cie Good Chance Theatre (Royaume-Uni), lieu d’échanges et de rencontres autour du travail effectué auprès des migrants à travers les films, œuvres d’art et performances créés à Calais et à Paris.

 

Informations pratiques

Auteur(s)
D’après L’Éloge de l’ombre et La Clef
de Junichiro Tanizaki 

Mise en scène
Jetse Batelaan

Avec
Vincent Rietveld, Mara van Vlijmen, Ward Weemhoff et Makiko Goto (joueuse de koto japonaise)

Dates
Du 2 au 3 mai 2017
Chantiers d’Europe 8ème édition du 2 au 24 mai 2017

Durée
1h30

Adresse
Théâtre de la Ville
Espace Pierre Cardin/ Studio
1 avenue Gabriel
75008 Paris

http://www.theatredelaville-paris.com/