« Tohu-Bohu » Mise en scène par Madeleine Louarn, au Théâtre de la Commune

Article de Paula Gomes

Un rêve poétique

Sur un plateau recouvert d’un gazon synthétique et tendu tout autour de rideaux blancs translucides, un homme à la démarche singulière soliloque, il s’étend au sol, le palpe, puis se relève et retombe. D’autres individus pénètrent de chaque côté de la scène sans décor, en faisant résonner leur voix. Des rondins roulent vers le centre, accompagnés de bruits mystérieux. Sont-ils en train de rêver ou dans une forêt magique ? Les comédiens de Catalyse investissent les lieux, se costument, se métamorphosent dans un défilé ininterrompu de personnages et de tableaux. Du monde des merveilles d’Alice au jardin d’Éden, en passant par les contes bretons, un parcours fantastique où chants et danses se mêlent autour d’extraits de trois de leurs pièces. Appelés à tour de rôle en avant-scène, chacun se dévoile librement sur sa vie, ses passions, son handicap et son expérience théâtrale. Des situations drôles ou absurdes : course après le temps, danseur breton en quête de l’homme juste, Eve cédant à la tentation de Maître Léonard. Le spectateur est toujours en alerte par le foisonnement d’actions inédites. Même si la pièce s’essouffle parfois, la poésie et les émotions sont intenses. Un théâtre assiégé et mis à nu dans ses fondements par six comédiens enthousiastes, attachants et au jeu très intéressant : une aventure incroyable et un sacré remue-ménage.

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© Alain Monot

Cette création de Madeleine Louarn est la continuité de son travail mené depuis 30 ans avec les comédiens handicapés mentaux de l’atelier Catalyse. Fragments de pièces précédentes, le texte contient principalement des extraits des Veillées absurdes de Daniil Harms, d’Alice ou le monde des merveilles (tiré de l’oeuvre de Lewis Carroll) et du Pain des âmes de François-Marie Luzel. Choix porté vers l’absurde, le non-sens et la poésie qui alimentent la fiction, tendant vers un ailleurs. Madeleine Louarn explore la singularité et les faiblesses des acteurs et leur propose un jeu adapté. Une dynamique est apportée par les interactions, les changements de rythmes et de costumes et les effets de surprise. Pour lier l’ensemble, des intermèdes où les comédiens improvisent, évoquent leurs souvenirs et leur histoire. Le souffleur soutient les petites défaillances de textes, parfaitement intégrée sa voix résonne comme un écho et contribue à la magie. La scénographie est ingénieuse et remarquable : un espace original avec deux coulisses à gauche et à droite pour optimiser les déplacements et changements de costumes. Les couleurs sont chatoyantes et de belles lumières mettent en valeur personnages ou silhouettes.

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© Alain Monot

Des comédiens avec du tempérament et d’un naturel surprenant qui prennent à cœur leur métier. Une traversée joyeuse entre fiction et réalité avec une myriade de personnages. Le langage n’est pas toujours fluide et les corps vacillent mais leur volonté est à toute épreuve. Ils déplacent ainsi les logiques de sens et d’actions et donnent une autre perception à cet univers onirique, une sensation de liberté. Vulnérables et déterminés, leur interprétation est touchante. Bravo à toute l’équipe que vous pouvez découvrir ou revoir dans « …que de nuages… », montage des dernières oeuvres de Samuel Beckett du 10 au 13 mai 2016 au théâtre de La Commune.

 

Tohu-Bohu

Mise en scène par Madeleine Louarn

Avec les comédiens de l’atelier Catalyse

Tristan Cantin, Guillaume Drouadaine, Christian Lizet, Christelle Podeur, Jean-Claude Pouliquen, Sylvain Robic

Textes

Extraits des écrits de Daniil Harms, traduction André Markowicz

Extraits de l’adaptation d’Alice ou le monde des merveilles d’après l’oeuvre de Lewis Caroll, traduction Elen Riot

Extraits de l’adaptation du Pain des âmes d’après les Contes de François-Marie Luzel, traduction Françoise Morvan

Dramaturgie Patrick Amar

Assistante à la mise en scène Tünde Deak

Scénographie Marc Lainé

Régie générale Hervé Chantepie

Création sonore David Ségalen

Création lumière Michel Bertrand

Création costume Claire Raison

Couturière Claire Schwartz

Accompagnement pédagogique Erwana Prigent et Mariwenn Guernic

Photos du spectacle Alain Monot

 

Du 3 au 6 Mai 2016

 

Théâtre de la Commune

2, rue Édouard Poisson

93 300 Aubervilliers

lacommune-aubervilliers.fr