« Vania » d’après Oncle Vania d’Anton Tchekhov, mise en scène de Julie Deliquet, au Théâtre du Vieux-Colombier, Comédie-Française

Article de Marianne Guernet-Mouton

Huis clos de regrets

Dès 1898, l’écriture d’Oncle Vania d’Anton Tchekhov fut un succès. L’auteur russe y dépeint des personnages sombres et subtils aux désirs inavoués et au bonheur impossible. Dans un espace en bifrontal qui accentue le sentiment de huis clos familial, Julie Deliquet a mis en scène un Vania qui incarne à lui seul toute la teneur dramatique de la pièce, où se révèlent encore davantage certains des personnages au bord de l’étouffement.

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© Simon Gosselin Collection Comédie-Française

Toute la scénographie a été pensée autour d’une longue table de salle à manger où peu importe les heures du jour et de la nuit, la perdition des hommes va se jouer sous nos yeux. La pièce débute avec l’arrivée du médecin Astrov venu soigner le patriarche, grand professeur et soit-disant érudit de la famille. Cette arrivée du docteur va tout de suite raviver des conflits et débrider les rapports des personnages qui vont se mettre à boire tant d’alcool que le verre finira par déborder et annoncer l’implosion familiale. Dans une ivresse communicative, Vania déballe ses sentiments envers la femme du professeur jouée par Florence Viala, épatante de vérité. Lui-même incarné par Laurent Stocker, l’oncle Vania nous apparaît dès le début traversé par ses tourments et ses malheurs. Tous ont été dirigés avec ce souci d’être tout droit sortis de notre époque, leurs expressions et sentiments semblent spontanés et infatigablement ancrés dans notre temps. Julie Deliquet le rappelle avec force, le monde se perd dans ce genre de querelles. L’essence de l’œuvre de Tchekhov se retrouve pleinement dans le jeu des acteurs, tous se pendent aux discours des autres et espèrent un futur meilleur qui n’arrivera jamais, englués comme ils sont dans un présent qu’ils veulent fuir, de sorte qu’ils passent à côté de leur vie.

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© Simon Gosselin Collection Comédie-Française

Une des belles surprises de cette mise en scène saisissante vient en grande partie du jeu des comédiens. Anna Cervinka se révèle si touchante dans le rôle de Sonia, la jeune fille du professeur, que certaines scènes marquent tristement le public, comme lorsqu’elle cherche par tout un tas de subterfuges à avouer ses sentiments à Astrov, incapable d’aimer. Dominique Blanc, qui joue la mère de la première femme du professeur, par ses attentions et la drôlerie de ses remarques surprend elle aussi de vérité face à un Vania sombrement contagieux.

Julie Deliquet signe une adaptation fine de l’œuvre de Tchekhov qui a rendu ses personnages infiniment prisonniers de leurs regrets, en proie à des souffrances que seule la mort semble promettre d’abréger.

 

Vania

d’après Oncle Vania d’Anton Tchekhov

Mise en scène et scénographie Julie Deliquet

Avec Florence Viala, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Noam Morgensztern, Anna Cervinka, Dominique Blanc

 

Du 21 septembre au 6 novembre 2016

 

Théâtre du Vieux Colombier

21, rue du Vieux-Colombier

75006 Paris

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