« VENEZUELA »  Instantanés d’une jeunesse désœuvrée qui peinent à trouver la vérité du plateau 

Tréfonds d’une banlieue allemande. Paysage urbain désaffecté, montagne de pneumatiques, abris de trams et néons tremblotants. Un groupe de jeunes – Flagger, Olif, Bouquin, Flada, Kerm et Izmir – surfent de wagons en wagons, unis par une culture et des valeurs de la rue. Or, la menace plane à chaque session de cette pratique périlleuse. L’un d’eux, Flagger – uniquement présent en image vidéo – périt dans l’une de ces danses de morts. La bande d’amis décide de cacher la vérité au plus jeune d’entre eux, Olif, et inventent un ailleurs pour échapper au réel insupportable, ce pays, c’est un Venezuela fantasmé. Venezuela devient le mot pour hurler l’indicible ou le non-dit, pour expliquer l’irrationnel et justifier leurs illusions plus confortables. Les personnages ne sont pas tous à l’aise avec le mensonge et s’ils ont réussi à retarder la vérité morbide, elle n’est que plus amère une fois exhumée. Le metteur en scène Patrice Douchet et la scénographe Anabel Strehaino nous embarquent au bord des voies de chemins de fer au fil des saisons, sur les traces de cette jeunesse arrachée à son avenir.

Patrice Douchet a accordé une place prépondérante à l’image vidéo, laquelle permet de projeter un documentaire sur le train-surfing ou de se faire l’écran de cet ailleurs imaginaire ; soit. Cependant, les commentaires de la voix-off sont presque inaudibles, ce qui freine la vocation pédagogique des images d’archives. De plus, le spectateur est davantage captivé par la projection que par la présence scénique des comédiens qui font leur entrée sous un très faible éclairage. Les séquences vidéo figurant Fraggel de dos ou de profil sur une musique mélancolique font penser à des prises de vue publicitaires, ce qui enraye toute émotion et prend rapidement – loin de l’effet escompté – une teinte parodique. La direction d’acteur fait défaut et dessert le texte émouvant de Guy Helminger, le jeu des comédiens manque généralement d’assurance, on ne rentre dans l’histoire qu’aux deux-tiers de la pièce. Les interprétations de Clémence Prévault (Olif) et d’Arthur Fouache (Izmir) se démarquent toutefois nettement, la rivalité entre leurs deux personnages est source de rire comme de pathos. Les transitions entre les différentes saisons s’opèrent avec un « check » répété des comédiens pour se saluer, qui n’est pas vraiment drôle s’il a propension à l’être, bien qu’il prenne plus ou moins sens à la fin.

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© Compagnie de la Tête Noire 

Entre street art et street dance, codes vestimentaires et langage des cités, l’atmosphère urbaine est palpable. La création lumière, rappelant les phares des trains ou les réverbères citadins et les sonorités électroniques suggérant la vitesse et le danger du train-surfing recréent assez fidèlement l’ambiance du quotidien de la bande. La similitude entre le bruit des roues sur les rails et celui de la pluie n’est pas sans réveiller une certaine poésie. Finalement l’émotion sourd des passages chorégraphiques qui renforcent la cohésion de ce groupe d’adolescents et donnent naissance à un ballet d’ombres portées sur le mur. Thomas Cabel (Bouquin) se livre à une véritable performance lorsqu’il tague en direct sur des pas de hip hop, ses mouvements s’enchaînent avec fluidité et il semble presque flotter sur le sol – ce qui est d’autant plus remarquable qu’il n’a pas une formation de danseur. Acrobates des voies ferrées, les personnages escaladent le décor, se balancent et sautent parfois de plusieurs mètres de haut avec une agilité sidérante.

Malgré un texte et des décors irréprochables, le spectacle a du mal à se mettre en route. Quitte à inscrire la danse dans la partition scénique, la pièce aurait gagné plus de relief à développer les scènes chorégraphiées et à réduire les images cinématographiques inconsistantes qui dénotent avec la narration. Des propositions intéressantes mais qui ne parviennent malheureusement pas à décoller, on peut néanmoins espérer que le jeu des comédiens gagnera en maturité au gré des représentations.

 

Informations pratiques

Auteur(s)
Guy Helminger

Mise en scène
Patrice Douchet

Avec
Cantor Bourdeaux, Thomas Cabel, Arthur Fouache, Coline Pilet et Clémence Prévault,
comédien dans le film Filipe Araújo.

Dates
Du 10 au 22 octobre 2017

Durée
1h15

Adresse
Théâtre 13 (Seine)
30 rue du Chevaleret
75013


Informations et dates de tournée 

http://www.theatre-tete-noire.com

http://www.theatre13.com