« Farben » de Mathieu Bertholet, mise en scène de Véronique Bellegarde au Théâtre de la Tempête

Article de Paula Gomes

Destin d’une chimiste aux rêves colorés

Sur scène, un laboratoire de chimie, des appareils scientifiques du début du XXe siècle. Devant la table de manipulation, un pantin assis, il représente une femme. Au centre un carré de gazon, vert comme un tapis de jeu, chance ou infortune, là se décide le destin.

farben_1© Philippe Delacroix

Véronique Bellegarde s’intéresse au parcours de Clara Immerwahr (« Toujours vrai »), la première femme chimiste allemande qui obtient son doctorat en 1900 et à celui de Fritz Haber, son mari chimiste. Ce couple juif, se convertit au protestantisme pour être accepté dans la recherche et agir pour le bien de l’Humanité. Un scandale éclate en 1920, quand on attribue à Fritz le prix Nobel pour ses travaux sur la synthèse de l’ammoniac qui servit à fabriquer les « gaz moutarde ».

Au départ, Clara est sur un champ de bataille, une épaisse fumée s’installe avec des crépitements. Une bombe est tombée à Ypres, du gaz. Le survivant se traîne. L’instant d’après Clara est avec Fritz à Berlin pour sa fête avec un officier, une chanteuse et une femme dansant un verre à la main. Clara s’oppose à Fritz et défend ses convictions : il a lancé une attaque au chlore causant 18 000 morts.
Le 1er mai 1915, avec l’arme de service de Fritz, Clara se tire une balle et s’écroule sur le gazon. Un éclair jaune citron. Elle voit défiler sa vie : études, mariage, naissance, faits historiques, cabaret berlinois, les dates et les images s’enchaînent, des rêves par échos, bribes, éclairs. Clara rêve de poursuivre sa carrière de chercheur et d’avoir son bureau mais son mari ne la soutient pas. Femme au foyer, elle contribue aux travaux de Fritz sans reconnaissance. Fritz poursuit son ascension sociale et crée son propre institut.

farben_3© Philippe Delacroix

4 actes se succèdent dans « Farben » aux couleurs des gaz de plus en plus dangereux, « rouge sang » inflammable. Pour Clara, les désillusions grandissent annonçant une issue fatale.

La scénographie est impeccable, miroirs et effets multicolores nous émerveillent. Belle mise en lumière des espaces. Pièce jouée à un rythme haletant avec des performances de comédiens pour soutenir les variations des sentiments et celles des images lissées.
Mathieu Bertholet, jeune auteur suisse nous livre une première œuvre riche, très documentée avec une dramaturgie contemporaine. Il s’interroge sur les responsabilités éthiques des scientifiques, un sujet d’actualité. Le spectateur est extrêmement actif à travers sept lieux distincts et une centaine de séquences déroulées dans un espace-temps précis.

 

Farben
De Mathieu Bertholet
Mise en scène de Véronique Bellegarde
Avec Olivier Balazuc, François Clavier, Hélène Delavault, Laurent Joly, Odja Llorca, Sylvie Milhaud
Scénographie Véronique Bellegarde
Lumière Philippe Sazerat
Costumes Laurianne Scimémi
Musique Médéric Collignon
Image Olivier Garouste
Création sonore Tom Ménigault
Machines scientifiques et théâtrales Olivier Vallet

Du 13 Novembre au 13 Décembre 2015

Théâtre de la Tempête
La Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
75012 Paris
http://www.la-tempete.fr/