[Avignon OFF Avant-première] « LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE », Un personnage répugnant, une pièce d’une grande tenue

La disparition de Josef Mengele, mise en scène Benoît Giros © Jean-Philippe Larribe

La Disparition de Josef Mengele, c’est d’abord un roman d’Olivier Guez paru chez Grasset en 2017 et récompensé par le Prix Renaudot. Il conte la cavale minable du célèbre docteur nazi, auteur des pires sévices pseudo-médicaux perpétrés à Auschwitz, miraculeusement exilé en Amérique du Sud – Argentine d’abord, puis Brésil – où il s’est éteint en 1979, déjouant tous les pièges et réussissant à échapper même aux services israéliens, pourtant aguerris et déterminés. S’emparer de ce texte pour en faire du théâtre n’a certainement pas été une mince affaire pour Mikael Chirinian, l’auteur de l’adaptation qui assume aussi le jeu, mis en scène par Benoît Giros.

L’espace scénique est occupé sobrement par une table portant des livres, deux chaises, deux valises, une curieuse statue de plâtre comme on en trouvait autrefois sur les bahuts des familles petites-bourgeoises, ici, un renard un peu ébréché. Le plus frappant, c’est le mur du fond couvert de photos d’époque, mais aussi de l’affiche du film Marathon Man, de John Schlechinger sorti en 1976…

On connaît le personnage, on sait qu’on ne va pas beaucoup rire, évidemment. Ce qui intrigue, c’est comment l’auteur-comédien va réussir à se sortir de ce terrible piège, sans sombrer dans le gore, sans non plus tendre à apitoyer le spectateur sur un tel criminel.
Autant le dire d’emblée, le pari est tenu. L’option, c’est la simplicité : un homme vous parle, il vous regarde droit dans les yeux en vous racontant la minable histoire d’un minable assassin sans scrupules ni remords. Par la même occasion, vous revivez (si vous en avez l’âge) ou vous découvrez cette époque d’après-guerre où les pires nazis étaient les bienvenus en Argentine, auprès du couple Péronne. Et puis, vous verrez tout cela s’écrouler et le tortionnaire se cacher, devenir ouvrier agricole au Brésil, chercher toutefois à revoir son fils unique, Rolf, lequel n’aura aucune complaisance envers son père.

Cette pièce est l’occasion pour nous d’entendre les horribles phrases auto-justificatrices, du genre : « ce n’est pas moi, c’étaient les ordres » mais aussi « j’ai agi pour la grandeur de la race allemande en détruisant la vermine qui la rongeait » … à aucun moment, Mengele, qui est responsable de la mort de quatre cent cinquante mille morts à Auschwitz, n’éprouve le moindre soupçon de remords. C’est un homme qui se sent dans son bon droit : légitime !

Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal. Méfiance. L’homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes.

On ne saurait mieux dire : nous y sommes !

JPh Photo _ Jeanphilippe Larribe

La disparition de Josef Mengele, mise en scène Benoît Giros © Jean-Philippe Larribe

Informations pratiques

LA DISPARITION
Festival OFF d’Avignon du 3 au 21 juillet 2024

Auteur
Olivier Guez
La disparition de Josef Mengele aux éditions Grasset, Prix Renaudot 2017

Mise en scène
Benoît Giros

Adaptation et jeu
Mikael Chirinian

Création sonore Isabelle Fuchs
Régie générale Éric Schoenzetter
Production compagnie L’idée du Nord
Coproduction Matrioshka Productions et le Théâtre du Chêne Noir

Durée
1h20

Dates
Du 3 au 21 juillet 2024 à 18h au Théâtre du Chêne Noir, dans le cadre du Festival OFF Avignon
Relâche les lundis 1er, 8, 15 juillet

Adresse
Théâtre du Chêne Noir
8 bis rue Sainte Catherine
84000 Avignon

Informations complémentaires
Théâtre du Chêne Noir
www.chenenoir.fr

Festival OFF d’Avignon
www.avignonleoff.com

Compagnie L’idée du Nord
www.lideedunord-benoitgiros.com