« Bartleby : une histoire de Wall Street » de Melville, mise en scène du Bob Théâtre, au théâtre du Fil de l’eau à Pantin

Article de Justine Uro

Une histoire qui n’en est pas une

Devant un castelet, Denis Athimon nous annonce qu’il va nous raconter l’histoire de Bartleby. Il nous présente le guitariste côté jardin, et les marionnettes dont il va avoir besoin pour interpréter les personnages. Bartleby est un copiste de Wall Street qui travaille pour un huissier de justice. Taciturne et renfermé, il répond à chaque sollicitation par « Je préfèrerais ne pas » prononcé dans un souffle lointain. L’huissier semble pourtant avoir de l’affection pour Bartleby et vouloir comprendre ce rejet de toute activité ou discussion en dehors de son pur travail de copiste. Très appliqué dans son travail, Bartleby semble dénué de tout sentiment d’envie ou de lassitude. Il fait ce qu’il doit faire, ni plus ni moins. Rapidement l’action se déplace, et les trois comédiens ne se contentent plus de jouer de la guitare et de donner vie à des marionnettes ; ils incarnent eux-mêmes des personnages, leur propre personnage qui n’est pas dans l’environnement de Bartleby mais y ressemble. La frontière entre la réalité et le jeu n’est que faiblement perceptible. Où s’arrête la pièce ? Cette ambiguïté sera le fil rouge du spectacle.

CrŽation BOB ThŽ‰tre en coproduction avec le TMG D'aprs l'oeuvre d'Herman Melville Adaptation, mise en scne et interprŽtation: Denis Athimon et Julien Mellano CrŽation musicale: Franois Athimon

© Cédric Vincensini

Julien, un des marionnettistes, ressemble étrangement à Bartleby. Il ne veut ni continuer ni partir. Il est en décalage, tel Bartleby avec ses collègues. Cette attitude, a priori incompréhensible, est sans doute la conséquence d’une dépression. S’ennuyer mais n’avoir envie de rien d’autre. Ce paradoxe reflète le sentiment de solitude et d’indifférence qui touche à un moment donné chaque être humain pourtant organisé en société.

Pour faire part de cette profonde angoisse de l’humanité, le décor est seulement constitué d’un castelet au centre de la scène, au-dessus duquel un soleil se lève et se couche, figurant la répétition des jours. L’esthétique des marionnettes est superbe, l’une est jouée par un des comédiens qui accroche le costume de la marionnette sous son cou. Les lumières participent pleinement à la pièce. Les comédiens créent un jeu avec le régisseur qui les oriente en fonction de leurs indications, éclairant même parfois la salle.

Bartleby, c’est une non-histoire qui raconte tant. C’est l’histoire de rien qui est l’histoire de tellement de gens. Ce que les comédiens créent autour du spectacle de marionnettes a autant d’importance que celui-ci. Ces toutes petites choses donnent une dimension encore plus forte à la non-histoire de Bartleby et révèlent la profondeur du propos. Car comment raconter la dépression, la solitude, l’indifférence autrement qu’avec ce rien ?

 

 

 

Bartleby : une histoire de Wall Street

Adaptation, mise en scène et interprétation Denis Athimon et Julien Mellano

Musique originale François Athimon

Lumière Alexandre Musset

Construction marionnettes Gilles Debenat et Maud Gérard

Régie son et lumière Antoine Jamet, Gwendal Malard ou Tugdual Tremel (en alternance)

 

Du 4 au 9 novembre 2016

 

Théâtre du Fil de l’eau

20 rue Delizy

93500 Pantin

http://www.ville-pantin.fr/les_salles_de_spectacle.html