« Coup d’oeil sur le Festival OFF d’Avignon #5 : Les spectacles chinois (n°1) » 

Chaque années dans le Festival OFF d’Avignon, des compagnies venues des quatre coins du monde présentent leurs spectacles au public. Dix troupes chinoises ont participé à cette 71e édition pour faire découvrir leurs œuvres.

Parmi elles, la troupe SanTuoQi, dirigée par Miao Zhao, jouait pas moins de quatre spectacles. Au carrefour du mime, de la danse et du théâtre physique, ses créations sont de purs concentrés de poésie et d’esthétique, où la précision irréprochable du geste côtoie l’ineffable des sentiments. Chaque spectacle raconte une histoire simple et intense dont la beauté se passe aisément de langage. Le corps pour verbe et la musique en guise de réglure, les artistes franchissent à grands bonds les barrières culturelles pour toucher droit au coeur, tout en rendant hommage à certaines traditions et/ou esthétiques extrêmes-orientales.

 

Hymne à la Disparition est une succession de neuf histoires très brèves ayant pour thèmes la solitude, l’amour, le mensonge ou encore l’adieu… Dans un style sobre, souvent même assez sombre, la représentation utilise le masque pour représenter des personnages simples et attachants incarnés de manière enfantine. C’est sans doute le spectacle le plus difficile à appréhender parmi ceux présentés par la compagnie, en raison de la brièveté des récits chargées de codes et de métaphores, parfois insaisissables sans un développement plus conséquent. Cependant, celles qui nous parviennent sont chargées de nostalgie, de mélancolie mais aussi d’espoir qui nous émeuvent en silence, avec une délicatesse enveloppante.

Aquatique propose une envolée dépaysante vers une Chine fantasmée où se côtoient les esprits et les hommes. C’est l’histoire d’une amitié nouée au bord de la rivière entre un pêcheur et un fantôme désireux de se réincarner. Très originale, la représentation exploite largement la thématique de l’eau dans des chorégraphies impressionnantes jouant d’effets de reflets et de flottement. L’emploi de costumes et de masques traditionnels contribue à créer des images marquantes d’aventure fantastique où se mêlent amitié, imprévus, tensions, amusement et crainte, toujours avec élégance et poésie. On en sort comme on se réveille d’un rêve : à la fois sonné et apaisé, ému et revigoré, hors du temps mais vivant.

 

 

L’Amour, dont l’esthétique inspirée du clown en fait le spectacle le plus occidentalisé de cette liste, est un voyage onirique dans les méandres de la vie, celle de deux individus qui se rencontrent, s’aiment, et s’égarent dans la foule du monde et de leurs souvenirs. Avec des allures de conte, abordant des sujets durs et émouvants tels que la vieillesse, l’oubli et la permanence des sentiments au-delà de la mémoire, le spectacle nous transporte dans un univers d’émerveillement mélancolique. Déjà présenté lors du Festival 2016, l’Amour avait été un coup de coeur, de ceux qui vous font sortir du théâtre avec une irrépressible envie de vivre et d’aimer.

 

Dieu Tonnerre est un spectacle d’inspiration taoïste où un homme, élu par les saints pour incarner le Dieu Tonnerre et protéger l’humanité, change de personnalité et se voit déclarer la guerre par ceux-là même qu’il devait sauver. Masques et figures en papier sont de la partie pour illustrer cette histoire toute simple où sont exposés les sentiments humains et leurs possibles dérives, de la fierté à l’orgueil, de la douceur à la colère, du pouvoir au despotisme… Dépaysant comme un conte de Perrault, didactique comme une fable de la Fontaine – mais évidemment dans un tout autre univers –, la mésaventure du Dieu Tonnerre tire son potentiel émotionnel de la figure attendrissante du personnage principal, à la fois fragile et puissant, égaré dans un monde qu’il domine sans avoir eu le temps de le comprendre. Ce dernier spectacle est certainement le plus abordable de tous, grâce à la structure linéaire de son récit et la puissance évocatrice de ses images.

 

Tous ces spectacles sont présentés au Théâtre de l’Etincelle
14 place des Etudes
84000 Avignon