[Coup d’oeil sur le OFF ] La Cie f.o.u.i.c présente «TÉLÉPHONE-MOI », « ALLOSAURUS » et « DÉCONNEXION »

Téléphone-moi, mise en scène Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé © Stéphane Audran

La compagnie f.o.u.i.c revient au Festival d’Avignon en 2022 avec un grand projet autour des cabines téléphoniques comprenant trois créations : Téléphone-moi, Allosaurus [même rue, même cabine] et une exposition de photos Déconnexion [définition : état de ce qui est déconnecté]. L’Allosaurus est un dinosaure disparu il y a 150 millions d’années. La cabine téléphonique est en quelque sorte un dinosaure. Elle a disparu progressivement de l’espace public avec la généralisation des téléphones portables jusqu’à sa totale disparition en 2018. Rouges pour les Britanniques, jaunes en Allemagne, en aluminium en France, ces guérites d’un autre âge permettaient de passer ou de recevoir des appels à n’importe quelle heure tout en étant isolé du bruit ambiant. Entrer en connexion se faisait à l’aide de quelques pièces ou d’une carte, en pleine rue tout en préservant notre intimité, dans un espace et un temps limités, l’attente et le hasard pouvaient intervenir dans ces instantanés de vie, ouvrant le champ des possibles. Situations dramatiques, fragiles, cocasses, les liens se tissent ou se défont et la relation à l’autre apparaît en pleine puissance. Le rapport à l’absence est devenu obsolète avec la connexion permanente actuelle.

Avec près d’un siècle d’existence, la cabine téléphonique a traversé plusieurs générations comme on le voit dans Téléphone-moi à travers une histoire d’amour familial qui démarre en 1945. Allosaurus [même rue, même cabine] conçu pour être représenté hors plateau, destiné au travail de décentralisation et que nous retrouvons dans une salle du Lycée Mistral met en scène trois personnages en quête d’amour qui convergent vers une cabine téléphonique devenue leur refuge où la rencontre devient possible. L’exposition de photos Déconnexion [définition: état de ce qui est déconnecté] inclut aussi la cabine téléphonique comme élément principal de la scénographie. La photographe Stéphanie Lacombe interroge la place qu’a pris le téléphone dans nos vies et le lien de dépendance qui s’est installé. Avec cette diversité de spectacles, la compagnie f.o.u.i.c montre une capacité d’adaptation qu’elle cultive depuis 20 ans. Elle nous invite à changer notre regard de spectateurs, à devenir sujets regardés, objets d’une attention, considérés. Cela permet de faire circuler la culture, de la rendre plus accessible.

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Téléphone-moi, mise en scène Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé © Stéphane Audran

Téléphone-moi est une enquête familiale qui traverse les siècles. Sur scène, trois cabines téléphoniques dans trois espaces bien délimités qui représentent trois époques. De la libération de Paris jusqu’à la victoire de Zidane en 1998, la vie se déroule avec de l’amour et de la violence apportant un éclairage sur les protagonistes de l’histoire qui se mêlent aussi à la grande Histoire. Tout naît de la rencontre de Madeleine, la résistance et de Léon dans une cabine téléphonique en 1945. Puis, nous avons leur fils Louis, un quadra qui vit dans une cabine, mentant à sa famille. Et la petite-fille Léonore, jeune fille paumée consommant drogues et alcools qui cherche un peu d’amour. De mensonges en non-dits, qui vont insidieusement toucher une famille entière, où mentir s’avère être une question de survie et va même devenir un art de vivre.

L’amour lui est tu, contrarié, il est omniprésent même dans la détresse, les drames que vivent les personnages et les joies éphémères. Pourtant ces êtres ne savent pas s’aimer, ni même le dire. La dramaturgie est construite sur l’absence. Alors que les contours du drame se dessinent et que l’on reconstitue ce puzzle généalogique, les espaces concrets éclatent et les repères de la réalité s’effritent. Place à l’inconscient familial dans un espace vide, comme une page blanche d’un nouveau récit. Les trois cabines sont réunies comme le lien de ses histoires révélé, une nouvelle communication. On ouvre le champ de possibles dans lequel les protagonistes vont se retrouver et pouvoir se reconstruire. Les éclairages, les fumées et les matières vaporeuses contribuent à cette atmosphère mystérieuse avant de rassembler les pièces de ce puzzle. La transmission intergénérationnelle semble dotée de pouvoirs invisibles et n’a pas fini de nous surprendre.

FRA - THEATRE - ALLOSAURUS (meme rue meme cabine)
FRA - THEATRE - ALLOSAURUS (meme rue meme cabine)
FRA - THEATRE - ALLOSAURUS (meme rue meme cabine)

Allosaurus [même rue, même cabine], mise en scène Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé © Pascal Gély

Allosaurus [même rue, même cabine] voit converger trois personnages Lou, Had et Tadz vers une même cabine téléphonique, leur point d’ancrage, un refuge pour ces marginaux. Chacun avec leur singularité, ils nous touchent dans leur quête d’amour perdu. Lou, jeune fille interprétée par Clotilde Morgiève appelle des inconnus et leur raconte ses rêves. Elle s’accroche désespérément à quelqu’un. Vêtu d’un blouson noir, Tadz sous les traits de Jean-Christophe Dollé rêve de retrouver sa fille. Had quant à lui vit une existence usurpée, une vie rêvée. Ce personnage troublé et troublant est joué par Yann de Monterno. Le dispositif tri-frontal donne encore plus de proximité avec ce qui se déroule sur scène. De plus, un choeur de présences silencieuses, d’anonymes est intégré au jeu des acteurs. Ce sont des personnes formées lors d’ateliers de pratiques théâtrales. Elles matérialisent la foule oppressante, la masse de nos phobies et sont aussi des âmes bienveillantes. La musique jouée en live par Noé Dollé rythme les séquences et renforce la poésie de ce conte moderne. Un très bon moment, des interprétations justes et émouvantes.

Déconnexion [définition : état de ce qui est déconnecté] est une série photographique de Stéphanie Lacombe et de la compagnie F.O.U.I.C. (Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé) qui a vocation à voyager avec les deux spectacles Téléphone-moi et Allosaurus de la compagnie f.o.u.i.c. Quinze clichés sont présentés à la bibliothèque de la maison Jean Vilar durant le Festival d’Avignon. Les cabines téléphoniques ont connu leur apogée en 1998 avec près de 300 000 cabines installées en France avant de disparaître complètement du paysage 20 ans après en 2018. Les cabines téléphoniques d’un autre temps photographiées dans des lieux insolites tels qu’une église, une piscine, un terrain de foot, un cinéma, une piscine ou même une cuisine ou un champ montrent la place prépondérante qu’occupe le téléphone dans notre quotidien. Et s’il n’avait pas été remplacé par le portable ? L’être humain vit sous l’emprise d’une connexion constante ce qui a pour conséquence, paradoxalement, l’isolement des êtres.

Avec ces trois créations, la compagnie f.o.u.i.c nous parle de la communication et de toute son importance dans les relations humaines qu’elles soient familiales ou non (mensonges, non-dits,…). Nous voyons aussi les moyens de communication et leur évolution à travers le temps.
Bravo à toute l’équipe pour ce travail riche et captivant.

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Déconnexion [définition : état de ce qui est déconnecté], de Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé © Stéphanie Lacombe

Informations pratiques

Festival OFF d’Avignon du 7 au 30 juillet 2022

TÉLÉPHONE-MOI – Cie f.o.u.i.c
Texte Jean-Christophe Dollé
Mise en scène Jean-Christophe Dollé, Clotilde Morgiève
Avec Solenn Denis, Stéphane Aubry, Clotilde Morgiève, Jean-Christophe Dollé
Scénographie et costumes Marie Hervé
Lumières Nicolas Priouzeau
Son Soizic Tietto
Musiques Jean-Christophe Dollé
Plateau Simon Demeslay
Perruques Julie Poulain
Couture Julia Brochier et Agathe Laemmel
Conseils magiques Arthur Chavaudret

Durée 1h40

Du 7 au 29 juillet à 18h10 (relâches 12, 19 et 26 juillet)

ALLOSAURUS – Cie f.o.u.i.c
Texte Jean-Christophe Dollé
Mise en scène Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé
Avec Yann de Monterno, Clotilde Morgiève, Jean-Christophe Dollé, Noé Dollé
Scénographie et costumes Marie Hervé
Lumières Simon Demeslay
Son Soizic Tietto
Musiques Noé Dollé, Jean-Christophe Dollé

Durée 1h40

Du 10 au 29 juillet à 21h15 (relâches 12, 19 et 26 juillet)

DÉCONNEXION [définition : état de ce qui est déconnecté] – Cie f.o.u.i.c
Photographies Stéphanie Lacombe
Lumières Simon Demeslay
Décor Marie Hervé
Conception et réalisation Stéphanie Lacombe et Cie f.o.u.i.c

Du 7 au 30 juillet à la Bibliothèque Maison Jean Vilar

Adresse
11 Avignon
11, boulevard Raspail
84000 Avignon

Informations complémentaires
11 Avignon
www.11avignon.com

Festival OFF d’Avignon
www.avignon

Cie f.o.u.i.c
fouic.fr