"LE PETIT THEATRE DU BOUT DU MONDE" A la croisée des mondes : une expérience poétique

Depuis 2007, le festival international Geo Condé de Frouard en Lorraine accueille des artistes du monde entier, une semaine intense dédiée aux arts de la marionnette. Ouverte à un large public, la 7ème édition présente la marionnette contemporaine sous des formes multiples, de la créativité et des techniques innovantes associées à d’autres disciplines (théâtre, danse, musique, arts plastiques, arts numériques,…). Plongé dans l’obscurité, le spectateur découvre un laboratoire sur un dispositif quadri-frontal de proximité que chacun est invité à explorer. L’opus I du petit théâtre du bout du monde dessine un univers contrasté, fragments de vie d’êtres solitaires, en errance qui rêvent de liberté. S’agit-il d’une projection de la société de demain ? Une allégorie de notre civilisation ? Un temps suspendu, voyage poétique qui laisse place à l’imaginaire et questionne nos propres vies.

Sur la partie inférieure derrière un rideau de tulle, un monde souterrain envahi par des objets du quotidien devenus obsolescents (télévision cathodique, machine à écrire, téléphone rétro, tourne-disque…) s’anime, poussé par un éclaireur, petite marionnette à tige. Cet animal poilu aux yeux lumineux va éveiller l’appariteur Ézéquiel Garcia-Romeu, un personnage à son tour. Des petits êtres au ventre bedonnant se consument dans l’attente d’un destin : administrateur vissé sur son bureau, oisif devant la télévision. Les actions sont indépendantes, les gestes précis et mécaniques. Le public se déplace au gré des saynètes, entre en connivence avec ce microcosme. La communication a visiblement du mal à passer : télévision brouillée, sons parasités, pannes, absence de paroles… Au-dessus, un univers aérien, de grandes figures expressives dans un paysage quasi-désertique, quelques accessoires. Des gestes lents, du mystère et une poésie intense se dégagent des personnages : la femme qui attend son bus, celle à la porte qui observe le monde…

Créée fin 2015 à Nice, Le petit théâtre du bout du monde, Opus I d’Ézéquiel Garcia-Romeu est une performance en mouvement, un vaste projet dont l’Opus II est en construction. Dans cette première version, l’appariteur marionnettiste manipule une galerie de personnages muets dans un espace clos. La mise en scène, les techniques employées et la précision d’exécution sont remarquables. La dramaturgie forte de Laurent Caillon laisse entrevoir la fragilité de la vie et sa possible extinction (panne électrique avec noir total, pollution environnementale). La scénographie minutieuse offre un voyage bouleversant avec de nombreuses images, de belles lumières et une construction sonore qui jouent avec le temps et nos sens. Tout droit sortis des dessins et peintures d’Ézéquiel Garcia-Romeu, les figures sont émouvantes et d’une grande beauté. Guidé, le spectateur devient acteur, machiniste, manipulateur, complice… à la croisée de ces deux mondes : celui de notre société actuelle en constante évolution dont ces figures semblent étrangement imprégnées, celui de la création, lieu universel de tous les possibles et qui éclaire sur un avenir que chacun souhaite meilleur.

Informations pratiques

Mise en scène
Ézéquiel Garcia-Romeu