Article de Bruno Deslot
Un échange confidentiel avec le public
Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, Antonio Tagliarini et Daria Deflorian proposent une création intitulée « Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni » (nous partons pour ne plus vous donner de soucis) inspirée par une image du roman « Le Justicier d’Athènes » de Pétros Markaris.
Quatre retraitées, sans familles, ni enfants, ni chiens se trouvent relayées aux confins d’une société qui les excluent d’un système pour lequel elles ne peuvent plus rien apporter. Leurs mutuelles n’ont plus d’argent, elles doivent payer leurs médicaments de leur poche, ce qui n’est pas possible. Dès lors, elles décident de partir « Nous partons pour vous éviter cette charge. Quatre retraitées en moins, cela vous aidera à mieux vivre ». L’écriture du message est soignée, en lettres rondes. Elles ont laissé à côté leurs cartes d’identité. Ekaterini Sektaridi, née le 23.4.1941 ; Angeliki Stathopoulou, née le 5.2.1945 ; Loukia Haritonidou, née le 12.6.1943 ; Vassiliki Patsi, née le 18.12.1948. On ne sait rien de ces quatre femmes mis à part leur fin tragique.
Cet événement place le public face à l’impuissance d’une telle injustice liée à la crise économique qui ne concerne pas que la Grèce mais l’ensemble des pays européens. Sur un plateau nu, éclairé par un néon et flanquée d’une table à jardin, les quatre comédiens se présentent au public avec une déclaration de profonde impuissance à représenter exprimé par un « NON ». Ils affirment cette négation avec une poignante conscience de leur impossibilité à apporter, par le jeu, une, voire des réponses à une série d’interrogations fondamentalement sociétales. L’échange avec le public est très intime dès le début du spectacle et permet de faire fusionner une réflexion commune, entre les comédiens et les spectateurs, laissant à chacun sa propre subjectivité grâce à une dramaturgie linéaire.
Les comédiens adoptent des postures assez semblables et chacun répète sa mort tout en évoquant un souvenir qui ponctuent les échanges avec une forme de légèreté, parfois comique et souvent inattendue. Chacun tente de comprendre le personnage d’une de ces quatre retraitées mortes afin de faire surgir un questionnement toujours plus puissant mais avec une simplicité d’expression assez étonnante. Les acteurs n’investissent pas le plateau en tant que comédiens mais comme des gens venus sur scène. Leurs échanges avec le public constitue, certainement, toute la force, du non-jeu que propose l’équipe artistique.
Cette proposition est une véritable expérience scénique à découvrir dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
« Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni » (nous partons pour ne plus vous donner de soucis)
de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini
inspiré par une image du roman « Le Justicier d’Athènes » de Pétros Markaris
collaboration au projet Monica Piseddu et Valentino Villa
lumière Gianni Staropoli
décor Marina Haas
avec Daria Deflorian, Monica Piseddu, Antonio Tagliarini, Valentino Villa
du 18 au 27 septembre 2015
Théâtre de la Colline
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
http://www.colline.fr/