Article de Bruno Deslot
Dans la jungle de l’amour vénale
À la Havane, dans un bordel, où la trivialité des filles évoque leur quotidien de misère, l’une d’entre elle menace de se tuer avec sa boite de tomates dans laquelle elle a 99 dollars mais il lui en manque un pour quitter le bordel ! La liberté, celle du corps, de la pensée, de l’émancipation d’un cadre donné, coûte chère. Tout à un prix !
© Emile Zeizig
Ce bordel cubain est alternatif, on s’occupe des schizophrènes, reçoit les pauvres…sans oublier les clients qui ne souhaitent surtout pas que leur égout séminal devienne un centre social. Un habitué, baisant toujours la même pute, l’humilie, la déconsidère et lui reproche ses fellations d’amatrice. Une seule femme le suce divinement bien, sa femme, que l’on peut voir depuis la fenêtre de la chambre de la prostituée. Cette femme est assise à même le sol, adossée contre un réverbère, elle semble vivre dans la rue depuis quelques temps. Pourquoi avoir choisi la rue alors qu’elle possédait une situation professionnelle confortable ? L’a-t-elle d’ailleurs vraiment choisie ?
© Emile Zeizig
La prostituée aux 99 dollars a quitté le bordel depuis quelques temps et tente d’aider cette femme. Elle plaide la cause des pauvres, des opprimés exclus par une société capitaliste ayant développé un système dualiste propre aux pays émergents ayant connus des dizaines d’années de dictature. Le rythme de la pièce se fait l’écho de cette violence imposée sournoisement par un gouvernement autoritaire. Les répliques sont lancées comme des salves d’artillerie. Elles canardent des cibles que le peuple souhaiterait voir voler en éclats « pour que les gens cessent d’être des bêtes… ». Dans cette pièce la critique de la société de consommation est féroce et dénonce les déviances auxquelles sont arrimées le peuple : « bouffe, matos, baise… ». Une écriture volontairement trivial et tout à fait légitime, donne de la consistance à la proposition. Un rythme soutenu, ainsi que des paroles lâchées seules ou en chœur, permettent à l’auteur d’aliéner le spectateur, de l’enivrer, de le rendre aveuglément servile par un système de répétition, de martelage des mots qui atteignent presque la saturation.
Le texte de cette pièce, construit de manière singulière, permettra de proposer une mise en scène forte et déstabilisante avec des comédiens puissants pour mieux révéler leurs failles.
Anesthésie
D’Agnieska Hernandez Diaz
Texte français de Christilla Vasserot
Lecture dirigée par Véronique Bellegarde
Avec Ariane Von Berendt, Caroline Menon, Céline Milliat-Baumgartner, Charlie Nelson et Johanna Nizard, musique de Vassia Zagar
Du 23 au 29 août 2016
Festival de la Mousson d’été 2016
Abbaye des Prémontrés
Pont-à-Mousson
Lorraine