« CLAIR OBSCUR »  Hésitation entre les genres 

La compagnie de cirque et de geste Les Chemins de Travers amène un suspens de poésie au théâtre parisien de par leur maîtrise corporelle et de ce qu’ils en font. Entièrement muet, Clair Obscur tente de magnifier les émotions et le ressenti de la solitude sociale au travers d’un langage non-verbal mais non moins émotionnel via la pratique de différents arts scéniques.

C’est finalement assez rare d’observer des circassiens se vouant à leurs excentriques parades au milieu du salon d’un trentenaire solitaire. Si la détresse de ce personnage (mystérieuse au demeurant) paraît un peu démesurée par rapport au propos défendu, la performance en elle même reste bluffante. Accompagnée de musiques et de diverses occurrences radiophoniques, la grâce de ces deux adeptes de la communication corporelle ne cesse de s’exprimer librement et pleinement à travers diverses jongleries, contorsions, danses et prouesses d’équilibre.

Dans l’atmosphère confinée de cet appartement (représenté par une scénographie épurée, à savoir un canapé), on ne sait pourtant pas bien ce que l’on voit. Cet homme paraît en effet en mauvaise posture, mais on ne sait pas laquelle. Chagrin d’amour ? De la vie ? Solitude ? L’arrivée du personnage féminin n’éclaire pas beaucoup la situation. Leurs échanges, bien qu’esthétiquement remarquables, sont en permanence conflictuels, et souvent contradictoires. Et finissent régulièrement de façon un peu abrupte et sans réelle logique. Au final, on n’en sort pas bien avancés : que lui arrive-t-il ? Est-elle réelle ? Sa conscience ? La solitude personnifiée ? Qu’a-t-on tenté de raconter ? De défendre ? Où a-t-on voulu entraîner le spectateur de cette rencontre ?

3601490262547
3601490262514
3601490262501
3601490262481

©  Deborah Madert / Clémence Dubois

Le propos de la solitude paraît en effet apposé sur la représentation virtuose des pratiques corporelles de ces jeunes interprètes, ce qui le rend plus obscur que clair à déchiffrer. Par ailleurs, le confinement de ces différents exploits circassiens leur retire une grande partie de leur puissance évocatrice. En bref, on ne sait plus bien quoi chercher, du cirque ou du théâtre, et l’on ne trouve toujours que l’un diminué par l’autre.

Malgré le mariage compliqué des deux genres, Clair Obscur constitue tout de même une œuvre esthétique très attrayante. Le manque de logique dramaturgique n’enlève rien à la finesse et la grâce avec laquelle les deux interprètes occupent le plateau. De plus, on peut leur reconnaître une belle tentative d’avancée dans la rencontre de ces deux mondes. Un agréable moment de poésie abstraite.


Informations pratiques

Mise en scène
Cie Les Chemins de Travers

Avec
Manoël Mathis & Lucille Brunet

Dates
Du 10 au 14 mai 2017

Durée
1h

Adresse
Théâtre de Belleville
94 rue Faubourg du Temple
75010 Paris

http://www.theatredebelleville.com