[Festival NTA] « CDG – BOUMÉDIÈNE », un voyage initiatique aussi captivant qu'émouvant

CDG-Boumédiène de la Compagnie Maison Bleu © Théo Schneider

Lancé en 2022 par Bruno Boulzaguet, le festival du Nouveau Théâtre de l’Atalante (NTA), qui aura lieu jusqu’au 20 décembre, a pour objectif de promouvoir les jeunes troupes émergentes. Pour inaugurer l’édition 2024, le mercredi 27 novembre dernier, la très prometteuse compagnie La Maison Bleue a présenté sa toute première création originale, CDG-Boumédiène, déjà récompensée du Prix Théâtre 13.

Pour Arezki, Lila, Eloïse, Gabrielle et Ralid, direction Alger Houari Boumediène, capitale de l’Algérie. Un retour « au bled » pour les uns, une première pour les autres. Alors que les spectateurs se sont tout juste installés, les voilà, de leur côté, dans un mouvement synchronisé, déjà en train de boucler leurs valises. Arrivés à l’aéroport Charles de Gaulle, c’est la cohue. Avec les trois heures de retard du vol prévu, l’attente promet d’être longue. Dans ce temps suspendu, parfaitement mis en scène, les traces du passé ressurgissent, et les questionnements intérieurs aussi.

Contrairement à Arezki et Lila, tous deux frère et sœur, Eloise, Ralid et Gabrielle ne se connaissent pas. Mais tous les cinq, partageant cet espace commun qu’est l’aéroport, sont aussi liés par les mêmes interrogations : quelle relation ont-ils à l’Algérie ? Portés par des comédiens justes et singuliers, les cinq personnages – d’origine algérienne, nés ou immigrés en France – remontent le cours du temps. Au cœur d’un dispositif scénique mouvant surgissent de fabuleux récits personnels et familiaux, semblables à de véritables témoignages, mêlant colère et incompréhension. Comme un parcours initiatique, les personnages traversent toutes sortes de situations : amusantes ou bouleversantes, voire douloureuses, elles sont faites de mystères, de racisme ordinaire, de préjugés culturels et de conflits intergénérationnels.

Chacun son tour raconte tantôt au présent, assis sur les sièges du hall d’embarquement, éclairés par une lumière blanche ; tantôt au passé, sous forme de flashback, convoquant d’autres lieux de manière plus figurative, et dans la pénombre. De ces effets ingénieux, tels ces changements de lumière illustrant les va-et-vient réguliers entre deux temporalités, se dégage une atmosphère troublante, ravivant une mémoire oubliée, ou que l’on a voulu faire taire : celle de la guerre d’Algérie (1954-1962), ancienne colonie française, laissant le pays appauvri et corrompu.

Dans l’enchaînement des scènes, les différentes prises de parole semblent parfois former une seule et même voix, celle de ces individus en quête de leur identité, confrontés aux silences de leurs aïeuls. Comment savoir qui l’on est, sans connaissance de ses racines ? Tous les cinq forment aussi un seul et même corps, se déplaçant au même rythme lorsqu’ils ne racontent pas, au profit d’instants chantés ou chorégraphiés, avec poésie et sensibilité.

En unissant leurs singularités, comme pour rompre l’omerta ensemble, à chaque petite histoire se juxtapose soudainement la grande Histoire, celle de tout un peuple, forcé à l’exil tandis qu’il se battait pour son indépendance. Par cette choralité, ce spectacle émouvant rappelle que l’intime est politique, mais révèle avant tout la manière dont l’Histoire façonne les existences.

CDG-Boumédiène de la Compagnie Maison Bleu © Théo Schneider

Informations pratiques

CDG – BOUMÉDIÈNE – Compagnie La Maison Bleue
Création 2024 Mention Spéciale du Festival de Mise en scène Prix Théâtre 13 édition 2024

Au Festival du Nouveau Théâtre de l’Atalante du 27 novembre au 20 décembre 2024

Écriture
dirigée par Céline Trouchaud, Yanis Allou, Claire Bouziane, Navid Rezvanian, Céline Trouchaud,
Ouerdia Taleb. Avec la participation d’Ismaël Seddik

Mise en scène et chorégraphie
Claire Bouziane

Avec
Ouerdia Taleb, Yanis Allou, Claire Bouziane, Navid Rezvanian, Céline Trouchaud

Direction artistique Ouerdia Taleb
Scénographie Clothidle Feuillard
Conception lumière Elie Cottin
Conception sonore et assistanat à la mise en scène Valériane Dribault