"LES MOMENTS DOUX", une histoire de la Violence

Les Moments doux, mise en scène Élise Chatauret © Christophe Raynaud de Lage

Un homme est encerclé par cinq personnes qui s’avancent lentement vers lui. Il est une proie prise au piège par la meute. Par attaques soudaines, sa chemise est déchirée. L’homme se dresse, torse nu, chemise en lambeaux. Cette image reviendra à plusieurs reprises pendant le spectacle. Toujours un homme. Jamais le même.

L’image fait référence au fait divers d’octobre 2015 lorsque le DRH d’Air France avait fui, chemise arrachée, sous les huées des salarié·es. Bien qu’anecdotique en apparence, le fait divers est souvent la partie émergée d’un modèle de société ; par son occurrence même mais surtout par la manière dont il est traité. Dans Les Moments doux, il devient le point de départ d’un spectacle laboratoire. L’image diffusée en boucle aux informations avait été qualifiée à l’époque par le Premier Ministre Manuel Valls « d’œuvre de voyous d’une violence inqualifiable ». Si cette violence spectaculaire est clairement identifiable, ne découle-t-elle pas de violences plus invisibilisées ? De quoi parle-t-on exactement quand on parle de « violence » ?

À l’issue d’entretiens menés en milieu scolaire, en entreprise et au sein de familles, les comédien·nes mettent en vie des situations diverses et entament par là même une démarche de réflexion collective avec le public. Tout commence à l’école. L’enseignant lance le cours par une adresse publique avant de transitionner vers les élèves. Nous avons compris le message : nous ne sommes pas là pour nous tourner les pouces. Il va falloir réfléchir et mettre en perspective. À la fin d’une fable autour d’un kangourou, d’abeilles et d’un lapin, les devoirs sont donnés pour la prochaine fois : à quel moment, dernièrement, avez-vous ressenti de la violence ? À quel moment avez-vous produit de la violence ? Quel est le plus grave ? Est-ce que toutes les violences se valent ?

Tout est passé au peigne fin de l’analyse. La scénographie hautement symbolique joue avec les dimensions pour souligner l’importance donnée par notre société actuelle à telle ou telle structure. Les personnages se retrouvent – à la manière d’Alice – étriqués sur des bureaux d’école miniatures ou minuscules dans un open space surdimensionné. Nous circulons d’espace en espace – entreprise, travail, foyer familial – pour écouter les résonances systémiques des diverses violences : exclusion, infantilisation, passage à tabac, mise en concurrence, humiliation, sexualisation, déshumanisation, etc…

Nous prenons de la distance face à cette vision d’ensemble de la complexité d’un système. Sans réponse facile, le spectacle est une invitation au questionnement. Sa forme analytique peut être frustrante quand on attend du théâtre une plongée dans le sensible et l’émotionnel – impossible de s’attacher à une quelconque trajectoire de personnage – mais sans doute nécessaire dans ce monde en proie aux passions, conflits, et ambitions. Et vous, à quel moment, dernièrement, avez-vous ressenti ou produit de la violence ? Pensez-vous qu’il existe des violences légitimes ?

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Les Moments doux, mise en scène Élise Chatauret © Christophe Raynaud de Lage

Informations pratiques

LES MOMENTS DOUX – Création 2023

Texte
Élise Chatauret et Thomas Pondevie en collaboration avec les interprètes
Écrit à partir d’entretiens avec des habitants de Sevran, Nancy, Fontenay-sous-Bois et Béthune

Mise en scène
Élise Chatauret

Avec
François Clavier, Solenne Keravis, Samantha Le Bas, Manumatte, Julie Moulier, Charles Zévaco
Dramaturgie Thomas Pondevie
Scénographie et assistanat à la mise en scène Charles Chauvet
Costumes Solène Fourt assistée de Marion Morvan
Création lumière Léa Maris
Création sonore Lucas Lelièvre
Régie générale Jori Desq
Décor Les Ateliers de la Comédie de Saint-Étienne-CDN.
Production Compagnie Babel (Productions et administration Maëlle Grange