Un article de Julie Lossec
Les fleurs poussent sur les épaves
Après le succès de La liste de mes envies, Mikael Chirinian revient sur scène au Théâtre Paris-Villette pour un spectacle très personnel intitulé L’Ombre de la baleine. Seul en scène, il nous entraîne dans l’histoire tourmentée de son enfance, un parcours initiatique qu’il relie à la chasse de Moby Dick par le capitaine Achab dans le roman d’Herman Melville.
© Olivier Flandrois
Le comédien fait revivre, à travers une marionnette qui lui ressemble, le petit garçon qu’il était. Noël est un enfant qui cherche sa place et des réponses à ses questions dans une maison semblable à un bateau à la dérive. Il y a d’abord le lourd héritage de l’histoire familiale. Une mère qui a fui la guerre d’Algérie, un père d’origine arménienne, hanté par le génocide. Les cris de ses ancêtres lui sont inlassablement rappelés par la soeur de Noël qui enchaîne sans explication les tentatives de suicides, manipule sa famille et détruit tout espoir d’harmonie autour d’elle. Tel le capitaine Achab, Noël, mû par une énergie vengeresse, se lance à l’assaut de la Baleine blanche qui a transformé progressivement son foyer en épave. Le spectateur embarque, avec le comédien et la marionnette, sur un bateau pris dans la tempête dans lequel le bien et le mal se livrent un combat destructeur dont va éclore une irréductible force de vie.
La mise en scène d’Anne Bouvier, le jeu du comédien et la scénographie transcendent totalement le fond dramatique des deux récits entremêlés pour offrir un spectacle lumineux, drôle, plein d’émotion. La sensation d’être en mer est omniprésente grâce au décor, aux jeux de lumière et au bruit des vagues. Les scènes dans la maison puis sur le bateau du capitaine Achab s’enchaînent rapidement. Cela tient en haleine mais ne laisse peut-être pas assez le temps au spectateur de reprendre son souffle et de s’imprégner de ce qu’il vient de voir. Mikael Chirinian livre une performance remarquable, empreinte d’énergie et de douceur. Dans son interprétation des membres de sa famille transparaît beaucoup de tendresse. La marionnette prend vie dans ses mains de manière très touchante. Illustrant la nature cathartique de la pièce pour son auteur, la scénographie de Natacha Markoff offre à la fin une sublime surprise.
L’Ombre de la baleine
très librement inspiré de Moby Dick d’Herman Melville
de et avec Mikael Chirinian
mise en scène Anne Bouvier
co-auteur Océanerosemarie
musique Pierre-Antoine Durant
scénographie Natacha Markoff
lumières Denis Koransky
création marionnette Francesca Testi
chorégraphie Moustapha Ziane
Du 18 janvier au 11 février 2017
Durée: 1h15
Théâtre Paris-Villette
211 avenue Jean Jaurès
75019 Paris