« RENÉE PANTHÈRE » : Exploration d’un texte contemporain

Renée Panthère de Fatou Dicko, Compagnie Gare à l’Art © Charles Rostan

Il y a quelque chose d’accrocheur au théâtre de se sentir immédiatement interpellé par le personnage. Lorsque l’on entre dans la salle où s’apprête à jouer Renée Panthère, le spectacle a déjà commencé. Le public est accueilli par une longue caricature de présentation d’objets en tout genre aux motifs panthère – ou léopard, comme le dit la dame que l’on entend dans la radio présente sur scène. Il s’agit d’un temps offert aux spectateurices pour découvrir un personnage excentrique et une scénographie atypique. Un temps qui s’étire, s’alourdit, ancre l’espace dans une atmosphère lourde – propre à l’histoire qui va être racontée.

Dans ce western décalé, Renée Panthère est une prédatrice qui n’obéit qu’à ses propres règles. Sensuelle et transgressive, habitée par un farouche désir de domination, elle est déterminée à devenir la plus redoutée des cow-boys ! Ce monologue à la langue atypique est une plongée au cœur de la marginalité, de la solitude et de la violence, où l’on entend le névrotique, le borderline, le subversif. Cette création basée sur le texte de l’autrice Cécile Cozzolino raconte le fantasme « cow-boy » d’une femme solitaire. Navigant entre onirisme et réalisme, son récit « road-trip » est sublimé par un dispositif radiophonique, faisant la part belle à la musicalité et à la visualisation.

Tout au long de son monologue tenu à bras le corps, Fatou Dicko fait entendre l’écriture souvent propre aux pièces contemporaines, une écriture parfois difficile à appréhender aux premiers abords du jeu. Figures d’énumération en tout genre, rythme saccadé, ruptures syntaxiques et absence de ponctuation classique… Souvent, pour les comédien.nes, ces textes semblent proposer une vraie collaboration entre le sens écrit et celui que l’on va apporter par le jeu. Renée Panthère telle qu’elle est présentée à la Cour des Trois Coquins, semble avoir été créé pour ce personnage qui nous fait face et nous interpelle.

On sent en effet tout le travail d’interprétation proposé par Fatou Dicko. La comédienne joue avec sa voix et toutes ses possibilités : le choix du micro n’est pas un simple prétexte, elle s’en sert pour magnifier sa voix, explorer ses variations (du chuchotement au cri). On entend également les différentes sonorités très marquées du texte (allitérations, assonances, répétitions, …). Il y a dans ce spectacle une volonté de faire entendre les mots, de créer tout un univers sonore. C’est là l’une des intentions de la Compagnie Gare à l’Art : accorder « une attention toute particulière à l’aspect sensoriel qui se dégage des images scéniques ». Pour Renée Panthère, Fatou Dicko met à la disposition de son personnage des outils techniques dans le but d’appuyer le texte, d’ancrer son impact : il y a le micro, dont on a parlé ; il y a également une régie complète, permettant à la comédienne d’être sa propre technicienne. Tout comme Renée Panthère semble contrôler sa vie fantasmée, elle a également la main mise sur l’espace scénique.

Néanmoins, cette technique appuyée semble parfois un frein au déroulé du spectacle. Certaines transitions s’avèrent délicates et alourdissent l’attente des spectateurices ; le choix de diffuser des extraits de films – qui ont servi le travail en amont de la comédienne – est un parallèle très intéressant sur le fond de la pièce. Ils appuient la mythologie du personnage de Renée Panthère, mystérieuse et marginale, qui finit par se perdre elle-même dans cette auto-construction. Mais dans la forme, les extraits ont un effet très – peut-être trop – démonstratif ; ils arrivent de nulle part, ont l’air de couper le personnage dans son élan, n’entrent pas ou peu en dialogue avec le texte. Seul le dernier trouve l’occasion de résonner dans le jeu de Fatou Dicko.

Si ce support technique très appuyé peut être une limite à l’harmonie du spectacle, la comédienne et sa Renée Panthère pleine d’énergie, de violence et d’assurance réussissent tout de même à maintenir un lien fort avec le public, essentiel dans ce type de monologue. L’adresse atteint toujours les spectateurices, le personnage multiplie les occasions de casser le rythme instauré, par des interpellations plus marquées, ou en se joignant parfois à la salle. Par ailleurs, cette relation entre le personnage et ses locuteurs s’aligne sur celle qu’entretient la comédienne avec le public. Il s’agit pour elle d’une véritable rencontre dont elle se nourrit pour poursuivre la création de son spectacle. Pour renouveler encore et toujours l’expérience du spectacle vivant, et se laisser surprendre par le temps de la représentation.

RENEE P A LA COUR (c) F.Y.D.

Renée Panthère de Fatou Dicko, Compagnie Gare à l’Art © F.Y.D.

Informations pratiques

RENÉE PANTHÈRE Création – Compagnie Gare à l’Art

Auteur(s)
Cécile Cozzolino, texte aux Éditions Théâtrales

Mise en scène 
Fatou Dicko

Interprétation, conception
Fatou Dicko

Dates
14 et 15 juin 2024 à 20h à la Cour des Trois Coquins, Clermont-Ferrand

Durée
1h30

Adresse
Cour des Trois Coquins
Rue Agrippa d’Aubigné
63000 Clermont-Ferrand

Informations complémentaires

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