"TOUT LE MONDE EST LÀ", dans sa nouvelle création Simon Delattre tisse un récit

Tout le monde est là, mise en scène Simon Delattre © Simon Gosselin

Alors que la mer gronde au loin, un ponton en bois dressé au milieu du plateau nous invite à embarquer. Après un plongeon dans l’univers sonore envoûtant de Léopoldine Hummel, différents personnages font surface et traversent l’espace de toute part. La fable commence et nous rencontrons trois marionnettes : Joe, Simone et … une araignée. Joe c’est le grand-père saltimbanque, charmeur et fantaisiste. Simone, la maîtresse de Joe, ostracisée par ses pairs. Tous deux devenus figures mythiques et adulées par leur descendance. Et l’araignée, c’est l’origine du pourquoi tout le monde est là. C’est grâce à cette petite araignée que Simone n’a pas avorté et que les générations de la fable ont pu se tisser.

La toile ne tenait qu’à un fil. Encore fallait-il le voir. L’écrivaine Nancy Huston écrit que les fictions « nous fabriquent – bricolant pour chacun de nous, au cours des premières années de sa vie, un soi. ». Et si les générations pouvaient se parler ? Et si les monstres d’hier pouvaient voir les héro·ines qu’iels sont devenu·es aujourd’hui ? Et si nous étions capables de percevoir les monstres d’aujourd’hui comme les héro·ines de demain ? Et si nous acceptions de sortir des grandes voies de la norme pour accepter les fils de traverse ? Et si nous acceptions les nouveaux récits ?

Par diverses techniques de manipulation (Kokoshka, Bunraku, tringle sicilienne, muppet, marionnette en prise directe), les marionnettes multiplient les anecdotes de cette grande toile mythique – coup de cœur pour la danse des spermatozoïdes. Soudain les acteur·ices sortent des marionnettes pour une interprétation en corps. De magnifiques tableaux et des personnages hauts en couleur portent ce récit fragmenté qui s’étend sur quatre générations. Ça circule et ça s’intrique. Ensemble, iels présentent des familles « hors normes » pour leur temps et questionnent les limites que nous imposons à l’amour. En filigrane y sont abordés la GPA – Gestation Pour Autrui – le couple parental homosexuel, le polyamour, le refus de la maternité etc…

Bien que Simon Delattre – metteur en scène et également directeur de la NEF, lieu dédié à la création marionnettique contemporaine – avoue avec humour que le spectacle est issu d’un désir de vengeance et de revendication, nous en sortons surtout avec une envie d’aimer plus grand et plus large. Le texte est né d’un grand questionnement sur la paternité à travers la figure mythique de son grand-père. À l’image de l’homme acteur et forain qu’il était, tous les artifices du spectaculaire défilent : lumières, paillettes, chants, magie, jonglage, théâtre, marionnettes etc…

L’écriture de Mike Kenny – traduit de l’anglais par Séverine Magois – alterne concret et poésie et est issu des improvisations « fleuves » des comédien·nes, elles-mêmes nourries d’anecdotes personnelles. L’auteur, décrit comme un punk britannique de 73 ans, confie : « Oh je suis un peu comme la mère porteuse de cette pièce. Je donne naissance à l’enfant de quelqu’un d’autre ».

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Tout le monde est là, mise en scène Simon Delattre © Simon Gosselin

Informations pratiques

TOUT LE MONDE EST LÀ Création 2023 – Compagnie Rodéo Théâtre

Mise en scène
Simon Delattre

Avec
Salomé Benchimol, Jérôme Fauvel, Léopoldine Hummel, Julie Jacovella, Chloé Lorphelin, Pier Porcheron, Philippe Richard
Collaboration artistique Yann Richard
Musique Léopoldine Hummel
Scénographie Tiphaine Monroty
Assistée de Séraphine Boucreux
Construction des marionnettes Anaïs Chapuis, Marion Belot et Aïtor Sanz Juanes
Coach marionnettes Aïtor Sanz Juanes
Création lumière Jean-Christophe Planchenault
Création son Julien Lafosse
Costumes Clémence Delille
Assistée de Elise Appenzeller
Couturière Angèle Gaspar