« 225 000. Femmes Kleenex » de Nicole Sigal, Celles qui n’ont pas le droit d’être

225 000. Femmes Kleenex, mise en scène Guillaume Vatan © Guillaume Vatan

Petite salle du théâtre Essaïon. Une jeune fille joue avec sa poupée au centre de la scène pendant que le public présent, en tout petit comité, s’installe. Cette petite fille a deux ailes noires dans le dos. Elle prononce cette phrase : « Les oies sauvages ne se séparent jamais ». Les enfants disent la vérité, dit-on. De quoi parle cette petite fille ? Souhaite-t-elle que ses parents ne se séparent pas ? Ou dit-elle que les parents ne peuvent se séparer ?

Le ton et le thème de cette tragédie sont donnés. Il y a bien une vérité tragique dans les propos de cette petite fille, celle de rester en couple, ensemble coûte que coûte et il est bien question de séparation difficile, impossible. Cette petite-fille est également le témoin de ce qui se passe et trop petite pour agir, faire quelque chose. Elle est, elle aussi victime et condamnée au silence, tout comme sont pris au piège les enfants dans les histoires de couples.

Cette pièce aborde l’intimité des couples. Mais plus précisément celle des violences qui se passent dans cette intimité et dont les politiques essaient de faire sortir les femmes de ce silence, ces femmes qui subissent des violences. Ces femmes sous le phénomène de l’emprise. Le thème est bien celui des violences conjugales et des dommages collatéraux sur les enfants.

«225 000 », c’est le nombre de femmes qui ont fait l’objet de violences conjugales en 2017. En 2022, leur nombre est en augmentation. Alors une question se pose : pourquoi un sujet si largement diffusé et dont on ne cesse de parler dans les médias, ne suscite que si peu de spectateurs ? Ce sujet fait-il peur ? En face de quoi n’a-t-on pas envie de se retrouver quand on vient au théâtre ?
Cette pièce écrite sous le titre « Femmes Kleenex » a pour objet les femmes détruites par les violences. L’autrice Nicole Sigal a recueilli des témoignages de femmes d’un foyer pour analyser le phénomène d’emprise.

Plusieurs tableaux s’entrecroisent dont le fil rouge reste cette petite fille qui fera sa réapparition à la fin de la pièce. Une pièce politique, qui lance un message et tente de dire la réalité des faits : ces femmes victimes et décédées dont les prénoms, date de naissance et la façon dont elles sont décédées sera exposé tout autour de la scène sous forme de pancartes, en cercle autour de la scène. Comme ce cercle de l’emprise dont sont victimes ces femmes enfermées dans leur logis mais aussi quelque part leurs bourreaux. Des femmes que l’on qualifie volontiers d’hystériques, de folles ou d’emmerdeuses, pour minimiser leurs propos.

Des propos crus, la haine en lieu et place de l’amour. Nous reconnaissons la femme soumise, les femmes abusées, les femmes accusées de féminisme. Des femmes considérées comme des propriétés, des objets et non des sujets. Cela existe encore.
Une mise en scène minimaliste, interchangeable rapidement aussi vite que les humeurs des personnages pour démontrer comment se passe la violence, comment cela peut être insidieux. Un décor simple et rustique, comme hors du temps.
Une démonstration plus qu’une compréhension de l’emprise et de la difficulté de certains hommes à considérer la femme comme une personne à part entière.

Cette pièce écrite par Nicole Sigal, est la première création de la compagnie Bouche B. et a été un coup de cœur de France Inter au festival d’Avignon de 2019.

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225 000. Femmes Kleenex, mise en scène Guillaume Vatan © Guillaume Vatan

Informations pratiques

225 000. Femmes Kleenex Création 2019 – Compagnie Bouche B.

Auteur
Nicole Sigal

Mise en scène
Guillaume Vatan

Avec
Magali Bros, Mathias Marty, David Legras et Katia Miran

Costumes Maud Berthier

Dates
Du 31 août au 7 octobre 2023, relâche le 5 octobre 2023
les jeudis, vendredis, samedis à 19H15

Durée
1h10

Adresse
L’Essaïon Théâtre
6, rue Pierre Au Lard
75004 Paris

Informations complémentaires

L’Essaïon Théâtre
www.essaion-theatre.com

Compagnie Bouche B.
www.compagnieboucheb.com