« 4.48 Psychose » de Sarah Kane, mise en scène et scénographie Sara Llorca et Charles Vitez, au Théâtre de l’Aquarium

Article de Paula Gomes

Danse de la vie

Des chaises métalliques disposées en cercle, un micro, des câbles, 2 musiciens en fond de scène jouent une musique électrique. Une jeune femme surgit dans le cercle dessiné, un homme l’enlace en une danse sensuelle. Un homme en blouse blanche surgit à gauche puis disparaît dans le public. La femme exprime son mal-être : triste, fatiguée, elle ne peut plus écrire, ni penser. Elle envisage son suicide à 4h48, quand le désespoir lui rendra visite. Un monologue commence où elle exprime son envie de vivre, ses combats intérieurs, la mort qu’elle porte en elle. Le danseur entre en transe bousculant les chaises qui tombent sur son passage. La femme psychotique se débat avec son médecin, dévoilant ses désirs. Elle accepte finalement de prendre les traitements redoutant les effets nocifs. Dans son monde en désordre, la vie et la mort se côtoient tout comme le rêve et la réalité. Les cinq interprètes vont dérouler comme une course ce texte noir et poétique.

4.48_adrien_berthet_1

© Adrien Berthet

Sara Llorca et Charles Vitez mettent en lumière l’humanité et l’énergie qui se dégagent de ces dialogues intérieurs en oubliant la fin tragique de l’auteure. La danse, la musique et le travail du corps donnent la tonalité à tous les désordres qu’elle traverse sans excès. Les lumières dessinent les lieux qui évoluent et servent aussi la dramaturgie. Le cheminement nocturne du personnage en quête du sens de son existence ajoute un côté mystique et profond. De très belles idées mais le jeu s’essouffle un peu, par manque de clarté et trop d’introspection. Il faut trouver la mesure juste avec ce texte fort et intransigeant. Sara Llorca joue une névrosée fragile qui explore ses limites. En confrontation avec son médecin, elle fait aussi face au public. Un voyage dans les méandres de la solitude où les sursauts de vie, de douceur et d’humour sont appréciés.

4.48_adrien_berthet_2© Adrien Berthet

DeLaVallet Bidiefono réalise une chorégraphie remarquable et rythmée. Présent tout au long de la pièce, le comédien interprète l’ombre de la jeune femme, mais aussi la mort et le temps qui passe. Il prêche, chante et danse et insuffle une énergie incroyable.

Dans son œuvre posthume, la jeune dramaturge britannique Sarah Kane explore les formes théâtrales avec une écriture dépouillée, sans personnage, sans scène, ni repère où les mots sont éclatés sur la page, ne permettant pas le jeu. Révoltée, sans espoir, elle recherche pourtant une unité avec une vitalité surprenante.

 

4.48 Psychose de Sarah Kane
Traduction Evelyne Pieiller (L’Arche Editeur)
Mise en scène et scénographie Sara Llorca et Charles Vitez
Chorégraphie DeLaVallet Bidiefono
Musique Benoît Lugué et Mathieu Blardone
Costumes Emmanuelle Thomas
Lumière Léo Thévenon
Avec DeLaVallet Bidiefono, Mathieu Blardone, Sara Llorca, Benoît Lugué, Antonin Meyer Esquerré

Paroles de femmes # 1 1ère partie de soirée
Du 2 au 21 Février 2016

Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
75012 Paris
http://www.theatredelaquarium.com/