« 4.48 Psychosis», de Sarah Kane, mise en scène de Christian Benedetti au Théâtre-Studio d’Alfortville.

Un article de Pierre-Alexandre Culo.
Au bord des larmes, les joies de la tempête.
 
4.48 Psychosis. L’œuvre posthume de Sarah Kane s’est érigée au fil des années comme un mythe, un véritable mausolée où cette écriture torturée et vitale fait toujours vibrer les pierres. Passage incontournable des metteurs en scène contemporains, la pièce semble charmer et entêter Christian Benedetti qui n’a de cesse d’y retourner depuis sa toute première mise en scène française en 2001 et jusqu’à Londres en 2009. Obsédée et obsédante, cette dernière mise en scène envoûte par son effrayante simplicité jusqu’à en faire remonter toute la bile noire. La performance remarquable d’Hélène Viviès transforme ce venin en fol espoir, un phare sombre au bout de cette tempête de désir.
 
 
© Simon Annand
Sur des planches de bois, à l’inclinaison instable, un corps semble tenir face à nous. Les lumières creusent les flancs de cette silhouette rachitique. Elle scrute, nous regarde et se contient. Le regard est dense, opaque, les pupilles palpitent et se remplissent d’une détresse puissante. Pourtant, cette jeune femme semble stable. Elle doit parler. Il faut qu’elle parle. Sans ouvrir la bouche, Hélène Viviès irradie de l’écriture de Sarah Kane. Le silence qui emplit la salle du Théâtre-Studio d’Alfortville peut désormais résonner car lorsque la langue doit se déverser, elle se déverse avec la nécessité de crier, d’exprimer, de vivre. La mise en scène de Christian Benedetti se défait de la violence démonstrative, de l’expression de l’irreprésentable ou de la sur-représentation du mal-être. Il puise au fond de ce puits de psychose une joie vénéneuse, une lumière acide qu’il est bien trop rare de voir dans les traitements scéniques de Sarah Kane. 
 
Le rythme de la parole s’emballe, se suspend avec tension, les mots cognent dans une musicalité où chaque consonne qui se fracasse dans sa bouche dévoile les sonorités de cette mer en délire. L’investissement de la comédienne crée une connexion qui transcende le texte pour peindre un terrifiant paysage intérieur. 
 
Cette version de 4.48 Psychosis peut enfin réconcilier les récalcitrants à l’écriture de Sarah Kane afin de la vivre et d’en ressentir le souffle effréné.

4.48 Psychosis 
de Sarah Kane
Traduction Séverin Magois
Mise en scène Christian BenedettiAvec Hélène Viviès

Durée 1h12

Du 24 janvier au 25 février 2017

Les mardi et jeudi à 20h30
Samedi (diptyque avec Blasted) : 19h00

Théâtre-Studio Alfortville
16 rue Marcelin Berthelot
94140 Aflortville