« À L’AUBE – RUMEURS » de Juliette Malfray, immersion au cœur d’une peinture sonore et poétique

À l’Aube – Rumeurs, mise en scène Juliette Malfray © DR

« Si tu ne réponds pas à la violence par la violence, c’est la mort qui t’attend. »

Dans une société dystopique en pleine guerre civile, ces mots résonnent dans la tête d’Alexandra, confinée chez elle pour tenter d’échapper à la violence de l’extérieur. Mais l’enfermement n’est-il pas en réalité l’essence qui alimente les flammes ? Confinée, seule, en proie à la folie. Propagande aux informations, méditation pour étouffer l’angoisse, pensées qui tournent, gonflent et s’entassent dans l’esprit… À l’Aube – Rumeurs propose une immersion théâtrale d’un genre nouveau qui appelle à l’implication et à la réflexion du spectateur du début à la fin.

La petite salle La Bohème du théâtre Les Déchargeurs accueille dans ses vingt mètres carrés un univers riche qui transcende les murs et la réalité. Tout en métaphores et allégories, le texte poétique de À l’Aube – Rumeurs fait naître dans notre imaginaire une peinture mouvante. Il joue avec les références historiques, artistiques et philosophiques, mettant en scène le tableau La liberté guidant le peuple de Delacroix, le mythe de Cerbère, ou encore l’allégorie de la caverne de Platon. Par de nombreux aspects, l’enfermement d’Alexandra fait écho aux vécus de certains lors des confinements de la crise sanitaire, période où l’extérieur était perçu comme dangereux, où le ciel se réduisait à un carré bleu visible par une fenêtre.

Comme une voix à part entière, l’univers sonore est sans doute l’élément le plus mémorable du spectacle. À l’aide d’un looper, Juliette Malfray capte directement sur scène des sons (cachet d’aspirine, kalimba…) qu’elle superpose avec d’autres pistes sonores, contenant sa voix et celle de la comédienne Héloïse Manessier. Leurs deux timbres, mis en valeurs par l’appareil, insufflent beaucoup de musicalité au texte et accentue l’atmosphère oppressante, les pensées qui tournent en boucle dans la tête d’Alexandra. Il en va de même pour le jeu de lumières coloré et très contrasté qui s’accorde parfaitement à l’énergie mystérieuse du spectacle. En plus d’être la metteuse en scène, l’autrice du texte et de l’univers sonore, Juliette Malfray possède également une voix magnifique qui permet de créer de très belles harmonies avec le looper. En un mot, la coordination des deux comédiennes et la création sonore juste en face du public méritent d’être vivement saluées.

À travers ses images, ses sons, ses voix et ses lumières, À l’Aube – Rumeurs explore la psychologie d’Alexandra, jeune femme torturée au double visage. Le conflit intérieur qui l’anime en fait un personnage complexe, partagé entre sa peur maladive du monde extérieur et son désir humain de liberté, piégé dans une spirale destructrice entre ces deux opposés. Alexandra finit par incarner l’allégorie de la lutte pour la liberté, mais cette figure de Marianne interroge : la liberté se construit-elle toujours sur la violence ? Son socle est-il forcément constitué des cadavres des révolutionnaires d’un côté, des sentinelles de l’autre ?

Voici l’un des nombreux sujets de réflexion que propose d’explorer À l’Aube – Rumeurs, un spectacle coup de cœur qui mérite sincèrement le succès.

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À l’Aube – Rumeurs, mise en scène Juliette Malfray © DR

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Affiche À l’Aube – Rumeurs, mise en scène Juliette Malfray © Myrtille Debièvre

Informations pratiques

À L’AUBE – RUMEURS – Compagnie Populo

Auteur
Juliette Malfray

Mise en scène, création sonore
Juliette Malfray

Interprétation
Héloïse Manessier et Juliette Malfray

Dates
Du 4 mars au 23 avril 2023, les samedis et dimanches à 19h15 au Théâtre Les Déchargeurs, Paris

Durée
1h10

Adresse
Théâtre Les Déchargeurs
3, rue des Déchargeurs
75001 Paris

Informations complémentaires

Théâtre Les Déchargeurs
lesdechargeurs.fr

Compagnie Populo
www.lacompagniepopulo.com