Auteur des Chroniques des jours entiers et des nuits entières , tomes 1 et 3, ou encore de Chroniques 2, quoi dire de plus du coq ?, Xavier Durringer, artiste polyvalent jonglant entre mise en scène théâtrale et réalisation cinématographique, revient cette fois-ci, sur le devant de la scène en qualité de dramaturge.
A Love Suprême est un long monologue d’une quarantaine de pages, édité aux Editions Théâtrales, qui raconte l’histoire de Bianca, une femme à l’existence singulière. Sa prise de parole commence directement par l’événement inattendu que l’on trouve d’ordinaire plus loin dans les intrigues; ce qui a pour effet de projeter instantanément le lecteur dans son histoire. L’histoire d’une danseuse au Love Suprême, un peep-show de Pigalle, qui apprend que ses nouveaux patrons souhaitent se débarrasser d’elle, au vu de son grand âge.
« Ils veulent que j’arrête »… Cette annonce sera l’amorce pour Bianca d’un long retour sur elle-même, sur sa vie personnelle, sur son existence dans cet univers particulier, touché par la prostitution – qu’elle aura toujours évitée – préférant envisager son métier comme un art. Au-delà de sa propre histoire, c’est toute la vie de ce Paris des années 80 qu’évoque Bianca en se remémorant les musiques, les films et les célébrités qui firent la renommée de cette décennie. Une époque précédant les premières crises financières, l’apparition du SIDA ou encore l’arrivée d’Internet. Un Pigalle où les stars de l’époque côtoyaient le reste des Parisiens dans des lieux mythiques tel que le Palace. Bianca détaille ainsi son quotidien et la dureté de cet univers : les shows à un rythme de plus en plus effréné, la drogue, les hommes, les relations avec les clients, les autres filles et une solidarité qui se craquelle inexorablement.
C’est dans une langue orale et authentique – marque de fabrique de l’auteur – que le personnage se livre au lecteur, tour à tour témoin puis confident. Malgré des anecdotes sombres et frappantes de vérité, l’auteur réussit à contrebalancer son récit et, de la noirceur des salles de peep-show, ce dernier parvient à faire sourire, voire rire à plusieurs reprises. Un récit au reflet de la citation de Philippe Claudel : « Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, c’est le gris qui gagne » !
Après Histoires d’hommes, oeuvre dans laquelle Xavier Durringer avait rédigé près d’une quarantaine de monologues plus ou moins longs portés par des femmes, A Love Suprême et Bianca, à l’instar du personnage de la Fille dans Music Hall de Jean-Luc Lagarce, proposent de surcroît, une réflexion sur la fin de vie professionnelle des artistes et la cruauté avec laquelle ils peuvent rapidement passer de la lumière à l’ombre. Et par-delà le monde du show-business, le dramaturge évoque, à plus large spectre, la question du déclin qui touchera tout un chacun, entraînant inévitablement une transformation de notre quotidienneté et de notre statut dans la société.
A Love Suprême, un texte à lire aujourd’hui, en espérant le retrouver sur les planches prochainement !
Informations pratiques
Auteur(s)
Xavier Durringer
Prix
9, 50 euros
Éditions Théâtrales
http://www.editionstheatrales.fr