Article de Justine Uro
Où commence la culpabilité ?
À Berlin en 1946, le chef d’orchestre allemand Wilhelm Furtwängler, considéré comme le meilleur chef d’orchestre du monde, fait l’objet d’une enquête qui conduira ou non à son procès pour avoir fraternisé avec le régime nazi. C’est le commandant américain Steve Arnold qui est chargé de l’enquête et mène les interrogatoires. Mais la distinction entre la culpabilité et l’innocence s’avère plus difficile qu’il n’y paraît. Le chef d’orchestre a entretenu des relations avec les hauts dirigeants du régime nazi dont Hitler, mais avait-il la possibilité de s’en acquitter ?
© SYSPEO/SIPA
Steve Arnold, choisi pour mener cette enquête parce qu’il était le seul à ne pas connaître le très célèbre Wilhelm Furtwängler, le lieutenant David Wills qui l’assiste, et Emmi Straube, sa secrétaire, ont été confrontés de près à la folie nazie. Pourtant leur opinion quant à la culpabilité de Wilhelm Furtwängler diffère. Ce que retient Steve Arnold des nombreux témoignages qui attestent que le chef d’orchestre a aidé une centaine de Juifs à fuir l’Allemagne en leur obtenant des autorisations de quitter le territoire, c’est que pour y parvenir il devait être en très bons termes avec les fonctionnaires les plus hauts placés. D’un autre côté, la profonde admiration d’Emmi Straube et de David Wills pour Wilhelm Furtwängler semble influencer leur jugement.
Le rôle de Wilhelm Furtwängler sied parfaitement à Michel Bouquet. Du fait de la justesse de son interprétation bien sûr, mais aussi de l’image qu’il représente. Cet élément externe à la représentation donne une dimension très forte à la composition du personnage. En effet, la corrélation entre le chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler et le grand comédien Michel Bouquet est particulièrement intéressante. L’admiration d’Emmi Straube et de David Wills pour l’art de Wilhelm Furtwängler leur fait occulter ses actions sombres ; Michel Bouquet, à quatre-vingt-dix ans, est une légende du théâtre aux yeux du public mais aussi, peut-on l’imaginer, de ses partenaires de jeu. L’interprétation du commandant Steve Arnold par Francis Lombrail est aussi tout à fait remarquable, et Margaux Van Den Plas est très convaincante en femme tiraillée entre ses sentiments et le prosaïsme d’une enquête au lendemain de la guerre.
C’est dans une pièce réunissant les trois bureaux du commandant Steve Arnold, du lieutenant David Wills et d’Emmi Straube que l’enquête se déroule. La scénographie restera la même tout au long de la pièce. Elle se compose des trois bureaux en bois qui encerclent le centre de la scène occupée par une chaise sur laquelle s’assoiront les personnes interrogées, d’étagères en bois aux planches de longueurs disparates, et d’une multitude d’objets qui reconstituent de façon réaliste un bureau des années quarante, laissant peu de place à l’imagination.
La scénographie, le texte, et la direction d’acteurs, offrent un aspect rassurant du fait de leur justesse et de leur rigueur, qui peut laisser sur sa fin un spectateur en attente de surprise.
À tort et à raison
Texte Ronald Harwood
Mise en scène Georges Werler
Avec Michel Bouquet, Francis Lombrail, Juliette Carré, Didier Brice, Margaux Van Den Plas, Damien Zanoly
Assistante mise en scène Nathalie Bigorre
Scénographie Agostino Pace
Costumes Pascale Bordet
Lumières Jacques Puisais
Conception sonore Jean-Pierre Prevost
Accessoiristes Bénédicte Charpiat et Coralie Avignon
Du 18 septembre 2016 au 2 janvier 2017
Théâtre Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris