Un Article de Paula Gomes.
Un bonheur à portée de main ?
© Clastic-Théâtre
Un homme muet, la tête masquée par un sac en toile de jute, se retrouve confiné dans l’espace scénique. Sur le devant de la scène, il se fige s’il avance trop et des coulisses, il est violemment repoussé et chute. Le comédien actionne un sifflet qui ponctue ses agissements. Il se saisit d’un mouchoir qu’il plie méticuleusement et déplie. Un castelet s’illumine éblouissant, son sol poudré de blanc nous plonge dans le désert. Une marionnette blanche, propulsée à son tour sur la scène, en expérimente les limites. Divers objets arrivent à mesure du haut : un arbre, des ciseaux, une carafe d’eau, des cubes, un lasso. Le petit homme entame une succession de micro-actions dérisoires sous les coups de sifflet. Malgré de multiples tentatives, le personnage ne parvient jamais à atteindre la carafe d’eau. Devenu manipulateur, le comédien tire les ficelles, joue du sifflet et croît mener la représentation. Mais la situation va lui échapper également… Une comédie de la vie cinglante et poétique où le silence est un puissant révélateur. Pas d’issue heureuse ou malheureuse mais dans l’absurdité de cet univers, les rires des enfants accompagnent la réflexion des adultes.
© Clastic- Théâtre
Aurélia Ivan et François Lazaro explorent de façon ingénieuse l’oeuvre du dramaturge irlandais Samuel Beckett. Si les déplacements et les gestes indiqués par l’auteur sont fidèlement reproduit avec la marionnette, François Lazaro en maître du jeu expert, met une certaine distanciation face au destin tragique de ce petit être de chiffon expressif, conçu par Aurélia Ivan. Une relation particulière se tisse entre l’interprète et sa marionnette : rapport de l’être à ses forces intérieures, à ses impulsions et à sa conscience. Les deux protagonistes n’ont aucune emprise sur leur environnement en perpétuel mouvement, ils perdent peu à peu leurs illusions : seuls comptent les actes à accomplir ou les gestes savamment élaborés. L’action simple en leitmotiv de plier et déplier le mouchoir renvoit aux rituels quotidiens de l’homme. La scénographie est impéccable et la lumière offusquante accentue la dramaturgie. Une parabole de la naissance, de la lutte de l’homme avec le monde absurde et ses douleurs, tromperies et séductions où apparaissent subtilement la mélancolie, le renoncement et même l’espoir.
© Clastic-Théâtre
Écrit en 1957, ce texte épuré, sans paroles réinvente l’espace théâtral et explore d’autres voies de communication : plusieurs possibilités de lecture (langage gestuel des personnages) et de perception du public. Une pièce courte en un acte intense et inquiétante dans une forme radicale, une pantomime qui donne à voir certains aspects de la condition humaine. Elle montre la relation de l’homme avec un monde extérieur hostile qui lui échappe malgré tous ses efforts pour le rendre vivable. Ses désirs (frustrations) sont vains, il ne peut rien saisir, ni conserver et perd constamment le contrôle de la situation comme le montre Clément Dupuy, intervenant derrère la coulisse. Une réalité illusoire qui n’a pas de sens, l’être humain est confronté à son propre échec, seule subsiste l’espérance. Ce spectacle touchant achève pertinemment la journée professionnelle « La vie silencieuse » au Théâtre aux Mains Nues, à l’initiative du danseur étoile Dominique Dupuy dans le cadre du projet Silence(s).
Acte sans paroles 1
de Samuel Beckett
Co-mise en scène Aurélia Ivan et François Lazaro
Interprétation François Lazaro et Clément Dupuy
Conception marionnette Aurélia Ivan
Production Clastic Théâtre avec l’aide de la Ville de Paris, du Festival Paris-Beckett 2006 / 2007, du Grand Parquet (Paris). Création au Grand Parquet à Paris octobre 2006
Le 5 février 2017 à 18h
Durée 40 mn
Théâtre aux Mains Nues
45, rue du Clos
75020 Paris
http://www.theatre-aux-mains-nues.fr/
Informations sur la Compagnie Clastic Théâtre
http://www.clastictheatre.com/