Article de Céline Coturel
Opéra de chasse sous le signe de la lune
Actéon est un prince fringant, aussi méfiant qu’intrigué par l’amour. Un jour qu’il chasse avec ses compagnons, il surprend la déesse Diane avec ses nymphes dans un bocage. Au lieu de fuir, il les observe. La déesse de la chasse le surprend alors et, furieuse, le transforme en cerf. C’est cette élégante description d’Ovide qui restera et créera le mythe, source inépuisable d’inspiration. Marc-Antoine Charpentier unit ces deux récits en 1684, celui de la mythologie romaine et celui des métamorphoses, dans un opéra pastoral, chanté et joué pour les salons de l’aristocratie française. Aujourd’hui au théâtre, nous redécouvrons cette époque révolue, grâce à la mise en scène intimiste d’Isabelle Grellet.
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La metteure en scène crée un décor minimaliste, avec deux espaces : l’un central où se concentre l’action de ses personnages, et l’autre à droite, « musique de chambre », où se trouvent les six musiciens. Violons, viole de gambe, et un très joli clavecin accompagnent toute la pièce. Les meubles ou accessoires ne sont que ponctuellement présents dans cet échange. Le reste du temps, les personnages vêtus de noir moulant se déplacent sur scène avec des mouvements félins. Hommes et femmes sont confondus. Ils prennent parfois l’apparence d’animaux, des compagnons de chasse d’Actéon, ou celle des nymphes de Diane. Certains d’entre eux se détachent aussi du groupe pour se faufiler derrière une toile éclairée à la bougie.
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Ils jouent avec leur apparence : à l’aide de branchages et de cornes de cerfs, ils se servent de l’espace carré pour constituer un tableau d’ombres chinoises, et nous faire sentir au cœur de la forêt. On pense alors à des peintures profanes du XVIe et du XVIIe siècle, françaises et italiennes essentiellement, où la mythologie est très représentée (Gustave Moreau et Jean-Jacques Henner suivront deux siècles plus tard). Parmi ces groupes d’êtres mouvants, seuls ressortent les figures principales. Diane, coiffée d’une lune, Junon de cornes brillantes et enfin, Actéon, seul blond, qui est isolé et chante souvent seul. La référence est claire : Actéon, qui signifie « rayon », serait symbolisé par le soleil, sous la conjonction de la Lune (Diane), qui précipite sa fin. Ils sont ainsi mis en valeur tout en restant dans la sobriété. Et cela fonctionne bien. Le texte d’opéra est en ancien français, interprété avec beaucoup de sensibilité. Dans ce dépouillement général, on pense parfois aux oratorios de Georg Friedrich Haendel, avec la mise en scène en plus.
Actéon
Mise en scène Isabelle Grellet
Direction vocale Caroline Dangin-Bardot
Direction instrumentale Clémence Schiltz
Actéon Lionel Brun Chœur de chasseurs tous, François-Xavier Adam, Paul Belmonte Diane Pauline Schill et Julie Werth (en alternance) Aréthuze Elsa Nicol Daphné Pauline Schill et Julie Werth (en alternance) Hyale Nolwenn Tardy Chœurs de nymphes tous Junon Nadia Madoui-Pamiès
Violon : Lucas Berton, Ana-Karen Guillen, Galel Sánchez, Nolwenn Tardy Viole de gambe : Clémence Schiltz Théorbe : Abraham Gòmez Clavecin : Ana Villamayor
Régie Anne-Laure Dechambre
Costumes Marie-Christine Louchet
Masque et accessoires Cyril Pyrrhos
Le 17 Octobre 2016 à 20h30
Théâtre de l’Epée de bois
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre