« AGE OF CONTENT » : Le corps dans une réalité virtuelle

Age of Content de (LA) HORDE © Blandine Soulage

« Comment le corps réagit aux va-et-vient entre le monde digital et le monde dit réel » ? Voilà la note d’intention sur laquelle les trois membres fondateurices de (LA) HORDE s’appuie pour créer leur nouveau spectacle,Age of Content. Dans un spectacle riche en références et en styles de danse, les 18 danseureuses explorent la saturation, la lutte, la violence, dans une sorte de chaos chorégraphique qui cherche à nous interroger au lieu de nous donner des réponses.

Réel et virtuel : même combat ? C’est ce que défend (LA) HORDE dans son hypershow nourri par la culture online. Cinéma hollywoodien, dance challenge, réseaux sociaux : avec Age of Content, le trio à la tête du Ballet national de Marseille continue son exploration d’un genre chorégraphique finalement bien ancré dans son époque. Comédie musicale, films d’action, jeux vidéo : Age of Content projette les artefacts de son temps dans une superstructure spectaculaire. Le théâtre, un métavers comme un autre ?

L’immersion dans l’espace virtuel est immédiat et très marqué dans les deux premiers tableaux. Une énorme voiture télécommandée prend tout l’espace scénique, plongeant les spectateurices dans une ambiance presque futuriste – renforcée par le choix des lumières au plafond, configurant au théâtre un aspect froid, technologique. Puis peu à peu, les danseureuses apparaissent dans des costumes identiques, unies, à la couleur froide, métallique. Leurs visages sont masqués, déformés, informes. Leurs mouvements et déplacements évoluent d’une rencontre avec la machine qui semble presque prendre vie à leur contact, à une lutte progressive et de plus en plus violente, où chacun.e cherche à prendre toute la place, au rythme d’une musique électro-pop très puissante.

Cette thématique de la lutte demeure, de manière plus ou moins ambiguë, tout au long du spectacle. Après la frontalité du premier tableau, le combat d’ego devient autre, perd presque son sens à mesure que les interprètes, pourtant plus humanisés sans leur masque, perdent leur humanité. Cette déshumanisation est traitée avec presque légèreté lorsque les danseureuses se mettent à se comporter exactement comme les avatars de jeux vidéos, les fameux PNJ. La chorégraphie de ce second tableau est remarquable dans la tenue des corps : chaque artiste tient son personnage virtuel de bout en bout, les corps sont en perpétuel tension, et la virtualité prend facilement le pas sur la réalité de ces êtres.

Avec cette deuxième approche de la virtualité humaine, Age of Content propose une réflexion sur l’absurdité du monde digital. D’avatars humanoïdes, les danseureuses métamorphosent leur danse pour incarner une inhumanité qui rencontre un rapport au corps profondément intime. De corps presque désincarnés, iels deviennent des créatures aux mouvements sensuels, sexuels, dans une chorégraphie à la fois dérangeante et envoûtante. Ce nouveau tableau interroge à nouveau les rapports de force, de lutte, de pouvoir entre les individus. Les corps dansés incarnent les pulsions de domination et de soumission. Le tout est rythmé par une voix déformée, digitale, qui forme un écho avec la musique et la danse.

Enfin, le dernier tableau semble proposer autre chose de radicalement différent ; entre défilé, danse classique et final de comédie musicale, le spectacle s’achève sur une explosion joyeuse de la musique et de la danse – dans un crescendo presque interminable, mettant les sens dans une attente, une tension, une attention presque douloureuse. Au regard de cette ultime chorégraphie, l’ensemble du spectacle nous revient alors, et c’est tout un mélange de danses variées que nous a proposé Age of Content, sans distinction et surtout sans hiérarchie. Et à travers ce mélange, ce « bouillon de contenu esthétique et culturel » (Amélie Rouher, professeure associée à la Comédie de Clermont-Ferrand), les artistes sur scène proposent une réflexion commune et corporelle sur la place de l’humain et son évolution dans une société qui jongle entre réalité et virtualité.

« Notre regard peut être critique mais nous ne sommes jamais binaires, pour ou contre quelque chose, nous essayons toujours de comprendre les phénomènes et surtout de comprendre comment ils sont reçus par nos corps. » (interview des membres de (LA) HORDE pour France Télévision)

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Age of Content de (LA) HORDE © Blandine Soulage

Informations pratiques

AGE OF CONTENT de (LA) HORDE

Conception, mise en scène et chorégraphie 
Marine Brutti, Jonathan Debrouwer, Arthur Harel

Avec
18 interprètes du Ballet National de Marseille

Scénographie Julien Peissel
Lumières Éric Wurtz
Costumes Salomé Poloudenny
Musique Pierre Avia, Gabber Eleganza, Philip Glass
Production Ballet national de Marseille

Dates
Les 23 et 24 mai 2024 à la Comédie de Clermont-Ferrand
Les 14 et 15 juin 2024 au Teatro Rivoli, Porto (Portugal)

Durée
1h15

Adresse
Comédie de Clermont-Ferrand, Scène Nationale
69, boulevard François-Mitterrand
63000 Clermont-Ferrand

Informations complémentaires

Comédie de Clermont-Ferrand, Scène Nationale
lacomediedeclermont.com

Ballet de Marseille
www.ballet-de-marseille.com

Collectif (LA) HORDE
www.collectiflahorde.com