« AM KÖNIGSWEG » L’éclatement de la violence désespérée

C’est une constatation accusatoire. Sans fil rouge, sans histoire, juste un regard aveugle et peiné sur l’état de notre monde. Elfriede Jelinek prend comme prétexte, comme support, mais non comme essence de son texte, l’élection malheureuse de Donald Trump, sans jamais le nommer, pour exprimer un certain désespoir quant à la situation de notre monde.

Am Königsweg livre une sorte de colère ironique et cynique. Selon les protagonistes, si nous en sommes arrivés là, c’est que nous ne pouvons plus rien pour améliorer notre état. Comment est-il possible, en pleine conscience de nos choix, d’arriver à élire un tel roi ? La scène prend alors des allures chaotiques, représentant tour à tour différentes visions terrifiantes de l’actualité, de la vie d’aujourd’hui. Elle questionne le chemin qui a amené à cette montée globale des nationalismes, et s’inquiète des retours fulgurants de combats que l’on pouvait penser enterrés ou en bonne voie d’être gagnés, contre le racisme ou le sexisme. Selon Jelinek, c’est la peste d’Œdipe qui revient nous contaminer et libère la violence contenue en chacun de nous envers et contre tous.

© Declair

En partant de ce texte déjà éminemment désespéré et destructeur, Falk Richter renforce cette sensation de no future de par sa mise scène. Le chaos est aussi présent au plateau que dans le texte, et les comédiens s’en donnent à cœur joie. Dans ce qui paraît être un lâcher prise total, ceux-ci se complaisent dans cette esthétique punk, surchargée, incarnant autant le roi protégé dans sa tour, d’or plus que d’ivoire, que les aveugles que nous sommes qui plébiscitent son ascension. Même l’humour qu’ils amènent demeure grinçant, tout sauf rassurant. Si leur but est probablement d’amener à la prise de conscience de l’état de notre monde, le message qu’ils livrent est sans appel : si nous en sommes là, c’est qu’il est déjà trop tard. L’auteure représentée sur scène attend la mort comme une vieille amie, résignée à abandonner ce monde. Nous n’avons plus de mots.

Outre la violence du texte et la démesure de la mise en scène, le spectacle est en allemand, et en grande partie improvisé. Tout cela étant réuni, il en devient malheureusement incroyablement difficile à suivre, notamment pour tout public non-germanophone. Cela entraîne nécessairement une grande perte de la puissance émotionnelle de ce show protéiforme, qui diminue la portée de son cri d’alarme et de désespoir.

© Declair

Informations pratiques

Auteur(s)
Elfriede Jelinek

Mise en scène
Falk Richter

Avec
Idil Baydar, Benny Claessens, Matti Krause, Anne Müller, Ilse Ritter, Tilman Strauß, Julia Wieninger, et Frank Willens

Dates
Du 20 au 24 février 2019

Durée
3H30 (avec entracte)

Adresse
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006 Paris

Informations et dates de tournée

www.theatre-odeon.eu