"AMOUR ET MERVEILLES" de Stéphane Jaubertie : Réinventer les contes

Amour et Merveilles : voilà deux thématiques qui peuvent facilement rappeler l’esthétique du conte. On y voit tout de suite quelque chose d’enfantin : une naïveté, une contemplation, de la beauté. Mais dans le texte de Stéphane Jaubertie paru aux éditions Théâtrales Jeunesse, il n’est pas question de dragons, de chevaliers ou de princesses. Les personnages principaux sont des enfants, qu’il emmène avec ses mots dans des contes « cruels », et surtout, dans un monde bien contemporain.

Dans un royaume, la fille du roi a perdu Amour, son chat, et marche vers le bord du monde. Un jeune homme doit protéger sa mère et sa sœur de leur ogre de père qui veut tout dévorer. Un petit garçon solitaire, toujours sur sa tablette, découvre une sirène grande comme une fève dans un poisson pané. Les personnages de ces trois histoires habilement entremêlées se trouvent tous confrontés à la question de la mort. Ils apprennent à affronter leurs plus grandes peurs pour grandir, avoir le courage de choisir sa vie et découvrir de nouvelles merveilles.

Comment écrire un conte sur le monde d’aujourd’hui ? Les références liées à nos récits d’enfance sont très présentes tout au long de la pièce. On retrouve une sirène, un roi, un ogre, la reprise étonnante d’une Alice se jetant dans le terrier du lapin. Mais ces personnages typiques sont dépassés et détournés pour représenter quelque chose de nouveau, de plus sombre, de plus contemporain. Les thématiques abordées par Stéphane Jaubertie sont en effet très actuelles : un enfant délaissé par ses parents, un couple divorcé, un père absent et violent, …

Les trois contes, bien distincts et pourtant indéniablement liés, ont en commun un même schéma de quête initiatique implantée dans le monde moderne. Les personnages sont des enfants, tous confrontés au monde des adultes, comme une sorte de passage obligatoire avant leur envol, leur émancipation. Chacun des contes suit une ligne bien définie, mais rejoint les autres dans sa signification : chaque enfant voit sa naïveté et son insouciance ébranlées, son monde fissuré, son chemin détourné.

Stéphane Jaubertie met en mots la fin des illusions de l’enfance. Il interroge le rapport à l’autre, à la mort, au parent, présenté ici comme déconstruit : il n’est plus le pilier de la génération suivante. Dans leur lutte, les enfants de ces contes se retrouvent face à des choix de vie difficiles, et empruntent alors un chemin d’errance qui les mènera vers autre chose… vers « de nouvelles merveilles ».

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