Article de Justine Uro
Déliquescence et explosions
En Bavière, un mouvement anarchiste réussit à prendre le pouvoir. Il proclame l’indépendance de l’État de Bavière et met en place de nouvelles lois comme la suppression de l’argent, le travail deux heures par jour et l’exclusion en Allemagne des dissidents. Dans ce contexte, un groupe de jeunes anarchistes va rencontrer une famille bavaroise attachée aux valeurs traditionnelles du travail, de l’ordre et de la religion. D’abord effrayée, la famille va se révéler être finalement attirée par le nouveau mode de vie qui s’instaure.
© Miliana Bidault
Une frontière de moins en moins tangible divise la scène en deux, séparant la famille Heure-Légale qui est côté jardin du groupe anarchiste côté cour. Côté jardin, les chaises comme les personnages sont toujours bien alignés, les costumes et les postures sont raides. Côté cour, des corps jonchent le sol, vêtus de costumes hippies, au milieu de paquets de cigarettes vides, tissus, bouteilles, et en fond de scène un collage notamment composé de sigles du mouvement anarchiste et d’images de films de Rainer Werner Fassbinder.
© Miliana Bidault
Le manque de nuances dans cette trop nette opposition entre les deux groupes de personnages fait perdre du poids à la portée du propos. Comme pour faciliter la compréhension, des stéréotypes sont plaqués à la composition des personnages et à la mise en scène. De même, les répliques criées tout au long de la pièce ont pour effet de diminuer la force du texte. Pourtant, le dynamisme de la mise en scène et des comédiens qui prennent véritablement possession de l’aire de jeu vient témoigner d’une envie de défendre le discours du spectacle. La pièce est constituée d’une succession de tableaux représentant le paradoxe de deux communautés culturellement éloignées qui vivent côte à côte.
Si les jeunes comédiens s’engagent pleinement dans la pièce, ils semblent contourner la finesse du texte, donnant le sentiment d’un travail encore en cours. Dans ce joyeux désordre, on assiste à la vision d’un monde qui se délite pour se transformer en une société dont les tenants semblent encore peu aboutis.
Anarchie en Bavière
Texte Rainer Werner Fassbinder
Traduction Christophe Jouanlanne © L’Arche Éditeur
Mise en scène et direction Stéphane Douret
Assistanat à la direction Quentin Van Eeckhout
Avec Éléonore Alpi, Léonard Boissier, Lisa Colin, Bilal Dufrou, Noé Favre, Jérémy Hoffman Karp, Chloé Lefrançois, Manon Preterre, Quentin Van Eeckhout et Guillaume Veyre
Voix David Brémaud, Jacob Porraz, Patrick Simon et Marianne Viguès
Lumières Arthur Petit
Musique et son Jérémy Hoffman Karp
Participation aux costumes Bruno Marchini et l’Atelier Costumes du Studio-Théâtre d’Asnières
Du 9 octobre au 1er novembre 2016
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
http://www.theatredebelleville.com/