« APPEL D’AIR, LA PERSISTANCE DE LA MÉMOIRE »  Souvenirs colorés et malléables 

Performeur et plasticien, Itzel Palomo se plonge dans ses souvenirs, une exploration étonnante en matières colorées et animées. L’homme s’avance vêtu d’un costume fait de bandes fines en papier crépon. Au micro, il dit ne pas pouvoir raconter une histoire avec des mots, sa mémoire flanche et il en teste l’élasticité, il a du mal à exprimer ce qu’il ressent. Pourtant odeurs, sons et couleurs lui reviennent mais sont-il réels ou sortent-ils de son imagination ? Le public est pris dans son jeu et la narration se poursuit en images. L’artiste enfile son masque et rejoint deux pantins à taille humaine derrière l’écran translucide. À l’épreuve du temps, le passé devient flou, tout comme les images d’un repas aux fruits géants et aux couleurs vives. La texture rappelle les piñatas des fêtes sud-américaines. Itzel Palomo veut raviver ce tableau familial : il fredonne et tente d’établir un dialogue qui peine à venir. La scène absurde semble s’éterniser et réussit pourtant à nous faire rire. L’artiste pluridisciplinaire nous entraîne dans son univers avec des effets et métamorphoses surprenants.

Redonner vie aux personnages de son enfance est délicat, l’inconscient prend plus de place qu’on ne le croit. Les souvenirs deviennent parfois indélébiles et si encombrants qu’ils empêchent d’avancer, à l’instar de la chambre à air gonflée que le protagoniste soulève avec difficulté. Tous ses efforts pour réanimer la matière semblent voués à l’échec. Soudain, la toile blanche se brise en morceaux, laissant entrevoir un paysage familier. La disparition des êtres chers ou d’autres événements affectent l’existence. Il faut alors rassembler les bribes du passé et reconstruire à nouveau la structure avec les éléments restants. «Appel d’air» se déroule en sept tableaux insolites où le temps s’étire lentement comme une matière à part entière. Propice à la rêverie, le solo performatif mêle arts visuels, théâtre et sculpture. Un impressionnant totem se construit sous nos yeux. C’est une invitation au voyage dans les méandres de la mémoire, à condition d’en prendre le temps. Le souvenir prend finalement corps dans un nouveau souffle entre réalité et fiction.

Présentée pour la première fois lors de la 26ème édition des « Giboulées », Biennale Internationale Corps-Objet-Image, la création «Appel d’air» est coproduite par le TJP Centre Dramatique National d’Alsace – Strasbourg. Diplomé de la HEAR en scénographie, Itzel Palomo travaille sur ce projet depuis 2015 avec son frère Silvio Palomo à la mise en scène. Scénographie et costumes ont été conçus au cours d’un chantier sur la « malléabilité de la mémoire » avec des étudiants en Arts du spectacle de l’Université de Strasbourg et d’un atelier avec des lycéens. La scénographie est un véritable agrès, elle sert à explorer et expérimenter le fonctionnement de la mémoire. Elle ouvre l’espace des possibles et conduit la narration sans avoir besoin de mots. Tous les éléments sont au centre : le son, les objets, l’acteur, la lumière forment un ensemble. Le rapport au temps et à la temporalité est très lent, il accentue la dramaturgie. La proposition subjective invite chacun à vivre sa propre expérience. Que reste-t-il de notre passé ? L’artiste Itzel Palomo précise qu’il faut laisser venir à soi les souvenirs plutôt que de vouloir à tout prix les recréer. Un spectacle poétique et singulier de la Compagnie Pignata Corpus.

 

Informations pratiques

Auteur(s)
Itzel Palomo

Mise en scène
Silvio Palomo

Avec
Itzel Palomo

Dates
Vendredi 23 mars à 19h

Durée
55min

Adresse
TJP CDN d’Alsace – Grande Scène
7, rue des balayeurs
67000 Strasbourg


Informations et dates de tournée 

http://www.tjp-strasbourg.com/giboulees-18 

http://www.corps-objet-image.com/